Des TBM dans les fonctions publiques ? (par le pr. Touzeil-Divina)

ParEditions L'Epitoge (Collectif l'Unité du Droit)

Des TBM dans les fonctions publiques ? (par le pr. Touzeil-Divina)

Voici la 21e publication offerte dans le cadre des 75 jours confinés des Editions L’Epitoge. Il s’agit d’un extrait du 33e (et futur) livre de nos Editions dans la collection L’Unité du Droit, publiée depuis 2012.

Cet ouvrage forme le trente-troisième
volume issu de la collection « L’Unité du Droit ».

Volume XXXIII :
Le tatouage et les modifications corporelles saisis par le droit

Ouvrage collectif sous la direction de
Mélanie Jaoul & Delphine Tharaud

– Nombre de pages : 232

– Sortie : printemps 2020

– Prix : 39 €

– ISBN  / EAN : 979-10-92684-45-2
/ 9791092684452

– ISSN : 2259-8812

Présentation :
Si le tatouage a longtemps été réservé aux mauvais garçons, aux prisonniers et aux marins, ce dernier se normalise au point de devenir commun. Face au nombre grandissant de tatoués et de tatoueurs, de nouvelles questions se posent tant aux artistes tatoueurs qu’aux clients. Les problématiques qui se posent sont nombreuses : pratique du tatouage, liberté d’installation, propriété intellectuelle, formation des jeunes tatoueurs, statut du tatoueur et en fond son imposition, droit du travail, déontologie, contrats de mise à disposition de locaux aux tatoueurs permanents ou guests invités… Cet ouvrage est le fruit d’une réflexion qui a été menée lors d’un colloque qui s’est tenu à Limoges en juin 2019 avec l’objectif d’apporter des réponses aux différents opérateurs du monde du tatouage.

Parce que le tatouage est un phénomène de société, il convenait de se demander s’il était devenu un objet juridique à part entière. La réponse est positive. Au terme des débats qui vous sont livrés dans cet ouvrage, il est passionnant de voir à quel point la matière est vivante et nécessite que les juristes s’y intéressent. De l’histoire du tatouage à l’évolution sociologique qui entoure les mutations de la pratique, du statut du tatoueur au contrat de tatouage, des enjeux pour le tatoueur notamment en propriété intellectuelle à ceux du tatoué, ces actes cherchent à apporter des réponses aux interrogations actuelles et à anticiper celles de demain au travers du triptyque : tatoueur, tatoué & tatouage.

Tatouages,
Barbes & Moustaches
(Tbm) dans les
fonctions publiques *

Mathieu Touzeil-Divina
Professeur de droit public, Université Toulouse 1 Capitole, Imh
Président du Collectif L’Unité du Droit

« Du côté de la barbe est la toute-puissance » !

MolièreL’école des femmes.

Théorie « des » ou droit « aux » apparences ? Parmi les questions juridiques que le présent ouvrage collectif pose, à l’invitation de Mélanie Jaoul, existe selon nous l’interrogation relative à l’apparence du travailleur dans son emploi public ou privé. Considéré « trop » barbu tel un hipster new-yorkais sous 3-mmc, un rabbin loubavitch… ou un musulman salafiste, présentant des piercings ou des scarifications faisant peur aux grands-parents, tatoué[1] sur les membres apparents ou le visage à l’instar d’anciennes traditions polynésiennes ou d’un souvenir de beuverie, de prison ou encore de légion(s), le travailleur public ou privé ne peut pas toujours se présenter à ses employeurs, à ses collègues et à un éventuel public ou à une potentielle clientèle comme il l’entendrait ou le désirerait seul. Ici encore existe un « droit de ». En l’occurrence un droit des travailleurs qui ouvre une branche : celle des apparences et du physique.

Restrictions scientifiques. A priori, la plupart des questions ici envisagées seront communes aux travailleurs des droits privé et public (fonctionnaires compris). Toutefois, parce que nous ne sommes pas spécialisé en droit du travail, nous considérerons principalement les éléments relatifs aux travailleurs publics qui nous sont plus familiers. Et, parce qu’il sera impossible en ces pages de traiter de toutes les hypothèses d’apparences physiques des agents publics, on restreindra – principalement – nos propos aux ports des tatouages[2], barbes et moustaches (dorénavant Tbm)[3]. En traitant ici « des » fonctions publiques, on veut par ailleurs signifier deux éléments. D’abord, au sens strict, on s’intéressera principalement aux agents titulaires de l’une des trois fonctions publiques françaises d’Etat, de la territoriale et de l’hospitalière tels qu’institués et régis unilatéralement par le statut général de la Loi du 13 juillet 1983 (c’est-à-dire tout agent exerçant un emploi permanent auprès d’une personne publique en ayant été nommé dans un grade de la hiérarchie le tout dans une position dite statutaire et réglementaire).

Par ailleurs, on ne s’interdira pas, lato sensu, d’envisager également certains cas d’agents contractuels – titulaires ou non (en Cdd ou en Cdi) – au service de la puissance publique au sens large. Il ne s’agit effectivement pas d’insister sur les différences entre statutaires et autres personnels mais de considérer globalement les travailleurs de droit public.

Quels droits et/ou libertés en jeu ? S’habiller ou se coiffer de telle façon, faire pousser ou non les poils de sa barbe et/ou de sa moustache[4], découvrir, dissimuler ou suggérer un tatouage sur son corps d’agent public met-il en jeu un droit ou une liberté[5] ? Il n’existerait pas de « liberté fondamentale » à se vêtir comme on l’entendrait affirme la Cour de cassation[6] même s’il s’agit vraisemblablement là d’un corolaire de la liberté individuelle. Un droit à son identité. Selon la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme[7], il est en revanche fondamental de protéger les « choix faits quant à l’apparence » par les individus et ce, dans l’espace « public comme en privé ». Il s’agit bien du droit – fondamental – à la vie privée (art. 08 Cesdhlf) qui garantit[8] « l’identité physique, psychologique et sociale d’un individu ».

Quoi qu’il en soit, c’est surtout la notion constitutionnelle d’Egalité qui entre ici en jeu lorsqu’un agent public est barbu, moustachu et/ou tatoué.

Au nom de l’Egalité, l’interdiction de discriminations physiques. A priori (et l’on voudra bien garder en tête qu’il s’agit là d’un a priori principiel particulièrement compliqué à démontrer dans les faits)… a priori – donc – un employeur – public ou privé – ne peut refuser de recruter, ne peut sanctionner ou même licencier un travailleur au regard d’un détail de son apparence physique qui lui déplairait. C’est l’application du principe constitutionnel d’Egalité[9] qui interdit tout traitement différentiel, toute « rupture », toute discrimination à moins – précisent plusieurs normes acceptées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel – qu’un intérêt général engage le législateur, par exemple, à régler[10] « de façon différente des situations différentes » et ce, de façon objective. Autrement dit, s’il n’y a pas véritablement de situation analogue ou comparable, des discriminations peuvent être opérées ! Ainsi, permettra-t-on, y compris dans l’emploi public par l’intermédiaire par exemple du Pacte[11] (Parcours d’Accès aux Carrières de la fonction publique Territoriale, hospitalière et d’Etat) à des citoyens peu qualifiés (et considérés placés dans une situation objectivement différente) d’intégrer plus facilement (que ceux qui seraient diplômés) des emplois de catégorie C des trois fonctions publiques. Afin de résorber le non-emploi des sous-qualifiés (c’est l’objectif affiché d’intérêt général), on cherche à les favoriser en créant à leur profit une discrimination dite positive[12]. L’Egalité est bien l’un des plus beaux aspects de notre fonction publique : sa négation des privilèges d’Ancien régime où ne devenaient agents publics que ceux adoubés par le Prince. Désormais, affirme depuis août 1789 l’article 06 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen (à valeur désormais constitutionnelle), les agents publics ne seront recrutés et traités qu’en considération égale de leurs talents et de leurs vertus.

Normes travaillistes & publicistes. En droit privé, le Code du travail dit explicitement (art. L. 1132-1) qu’aucune « personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, (…) en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français ». De manière plus générale encore, le Code pénal (art. 225-1), prohibe toute « distinction opérée entre les personnes physiques » notamment « à raison (…) de leur apparence » et – tout aussi explicitement – les statuts applicables aux fonctions publiques connaissent des dispositions similaires et ce, à l’article 06 de la Loi statutaire du 13 juillet 1983[13] :

« La liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires.

Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille ou de grossesse, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race.

Toutefois des distinctions peuvent être faites afin de tenir compte d’éventuelles inaptitudes physiques à exercer certaines fonctions ».

Il n’est donc pas douteux que le principe d’Egalité s’applique aux éventuelles questions de discriminations d’apparence physique des agents publics. Il est du reste dommage, pourtant invité en ce sens par le Défenseur des droits[14], que le législateur n’ait pas saisi le moment du vote de sa récente « Loi de transformation » de la fonction publique[15] pour y insérer un article exactement similaire à celui du Code du travail.

Unité du Droit. Quoi qu’il en soit, il est certain que le principe de prohibition d’une discrimination physique est a priori identique, dans sa généralité au moins, s’agissant des employeurs privés comme publics et ce, même si le fondement juridique n’est pas – encore – exactement le même et que la fonction publique met en avant immédiatement deux particularités (à l’art. 06 précité du Statut) : d’abord, la primauté de la liberté d’opinion et ensuite l’existence d’exceptions pour « tenir compte d’éventuelles inaptitudes physiques à exercer certaines fonctions » et (mais de moins en moins) en considération de l’âge. Ainsi, n’est-il pas discriminatoire d’interdire à un aveugle d’être tireur d’élite ou pilote d’avion de chasse. Il s’agit d’une particularité physique audible dans ce type d’emplois publics.

Matérialité de l’apparence physique discriminée. Concrètement, il est ainsi estimé discriminatoire (et donc réprimé) le comportement d’un employeur qui sanctionnerait un travailleur qu’il considérerait (sans rapport avec des impératifs de sécurité ou d’intérêts général ou d’entreprise) trop gros, à la coupe de cheveux improbable, aux taches de rousseur trop visibles, à l’acné juvénile bien tardive ou encore parce qu’il serait roux, albinos et ou affublé d’un strabisme déconcertant.

Il en est manifestement de même – concernant la présente étude – si un travailleur était sanctionné du fait même d’un port de barbe, de moustache ou de l’existence (supposée ou réelle et visible) d’un (ou de plusieurs) tatouage(s) sur son épiderme.

Il s’agit bien là de l’apparence physique d’une personne travailleuse.

I. Des uniformes « au poil » mais sans tatouage ?

Du corps aux vêtements en passant par l’uniforme. Dans l’emploi public, cela dit (mais parfois aussi en emploi privé), une fonction peut impliquer le port de vêtements professionnels qualifiés d’uniformes. Rappelons à cet égard que c’est précisément au nom de l’Egalité et de l’Unité des fonctions publiques qu’il peut être imposé à des agents (outre les raisons professionnelles de port de vêtements spécialisés en raison de matériaux techniques[16] et propres aux missions délivrées) de faire disparaître leur individualité derrière des atours les rendant « uniformes[17] » et n’exprimant que les fonctions incarnées les dépassant. Ainsi sont-ils reconnaissables, par leurs vêtements, les magistrats judiciaires, les policiers, les éboueurs, les sapeurs-pompiers, les militaires, les infirmiers, etc. C’est la fonction publique qui prime ici au détriment de l’individu.

Par principe (et avec de rares exceptions par exemple lorsque l’agent n’est jamais confronté à des échanges avec le public[18] ou avec des administrés), le refus de porter l’uniforme imposé ou son travestissement entraîne des sanctions professionnelles[19].

L’Uniforme prohibe a priori la modification d’apparence physique. Or, le principe même de « l’uniforme » rendant « uniforme » prohibe, par principe,toute modification de l’apparence physique. Si le port d’une barbe ou de moustache ne choque pas nécessairement directement la vocation uniforme, un tatouage ou une modification corporelle – visible outre l’uniforme – en revanche peut paraître incompatible avec l’apparence de l’agent public. Il en serait ainsi par exemple d’un policier au visage ou aux mains tatoués mais, ainsi qu’on le verra infra dans nos développements, les corps de fonctionnaires en uniformes semblent plutôt se diriger, comme la société française dans son ensemble, vers une acceptation ou tolérance croissante de ces questions. De nombreux employeurs (publics comme privés) précisent cependant dans leurs normes internes qu’une[20] « présentation soignée » est attendue des agents, particulièrement s’agissant de ceux en contact avec le public ou les administrés.

L’antique port obligatoire des moustaches de l’autorité. Il a même existé, on le sait, en France comme dans plusieurs pays, des corps (comme celui désormais célèbre y compris dans l’imaginaire collectif) où, longtemps, on a imposé aux agents publics une apparence faciale pileuse, outre l’uniforme se remémorant peut-être ces mots de Molière : « du côté de la barbe est la toute-puissance » ! Ainsi, connaît-on la circulaire du 20 mars 1832[21] imposant, à l’initiative du Maréchal Maison, la moustache[22] à tout militaire. Plus précisément apprend-on encore par un acte postérieur du 03 juin 1836[23] que la moustache militaire devra être taillée « uniformément au niveau de la lèvre supérieure, s’étendre sans discontinuité sur toute la longueur de la lèvre et s’arrêter toujours au coin de la bouche ». Selon le lieutenant-colonel Edouard Ebel[24], cette obligation pileuse aurait été imposée en 1836 à tous les militaires à l’exception des gendarmes. Or, « cette sentence très mal perçue par l’Arme, [fut] vécue comme une humiliation et [souleva] un véritable tollé » si bien qu’en 1841, grâce au maréchal Soult, la moustache fut à nouveau imposée à tous les porteurs de l’autorité qui la revendiquaient. Plusieurs normes (et surtout des circulaires) ont effectivement imposé (avec un recul lors de la Première Guerre mondiale[25]) – à fins dites d’autorité – d’arborer non pas une barbe, symbole de la liberté et du poil non maîtrisé, mais une fine moustache taillée et travaillée : ordonnée et au pas cadencé !

Ce n’est alors qu’en 1933[26] (par l’alinéa 1er in fine de l’art. 25 du décret du 1er avril 1933) que l’obligation s’évanouit par une fin de phrase venant totalement déstructurer le principe liminaire énoncé :

Les militaires « portent les cheveux courts, surtout par derrière, la moustache avec ou sans la mouche mais couvrant la lèvre supérieure ou la barbe entière ; ils peuvent également être entièrement rasé ».

Les brigadiers sont ainsi d’ailleurs devenus dans l’inconscient collectif (comme par exemple chez Fred[27] dans Philémon) des « brigadiers à moustache » aussi caractéristiques et parfois caricaturaux que le gendarme du théâtre de Guignol.

L’uniforme jusqu’aux poils ! Ainsi[28], l’uniforme des fonctions publiques notamment n’a pas concerné que les vêtements.

Longtemps, les cheveux et les poils (de barbes et de moustaches) des agents publics ont été régis par les religions[29] et par la Puissance publique. On se souvient ainsi que sous l’Ancien Régime et même après la Révolution, l’usage puis la norme avaient réservé le port des cheveux longs ou ronds (d’où l’arrivée des perruques en crin de cheval le permettant plus aisément[30]) aux seuls nobles dont les gens de Justice. Un arrêté du 02 nivôse an XI en témoigne ainsi que de très nombreux portraits d’Ancien Régime ou même postérieurs à 1789.

Enfin, il est impossible de ne pas évoquer ici la célèbre affaire du Tribunal d’Ambert[31] ayant conduit à la décision de la Cour de cassation (alors sous la présidence – pour la chambre des requêtes – du baron Zangiacomi) ; décision du 06 août 1844 qui rejeta le pourvoi de trois avocats moustachus et consacra conséquemment la solution souveraine des juges du fond selon laquelle la moustache des robins[32] qui avaient osé défier l’autorité en ne venant pas le duvet rasé ce qui constituait une[33] « tenue négligée, peu en rapport avec les habitudes du Barreau, contraire à ses usages et ses traditions » c’est-à-dire une « atteinte portée à la dignité de la Justice et une irrévérence envers ses magistrats » ! Le petit manuel de la moustache et de la barbe[34] mentionne à cet égard le sentiment du Bâtonnier qui y avait également vu une « provocation irrespectueuse, une opposition préméditée, une résistance individuelle et outrageante à un ordre de police intérieure ». Le même manuel relate également cette audace d’un avocat parisien qui, en 1868, osa plaider devant le Tribunal de la Seine : « je cherche vainement l’ordonnance qui règle la nudité de ma lèvre ».

Mais ces questions ne sont pas si anciennes. Mentionnons en effet, plus proche de nous, ce jugement du Tribunal Administratif du 03 juin 1986 d’Amiens (« Seckel »). Il s’y est agi d’une sanction d’un garde forestier à qui l’on reprochait sa coupe de cheveux « incompatible avec [sa] fonction d’autorité ». Il avait en l’occurrence les cheveux rasés et une unique « mèche frontale » (sic).

Des poils obligatoires des agents publics aux « poilus ». Le poil des moustaches (et non des barbes) a ainsi été – un temps – assimilé – officiellement à l’uniforme d’autorité militaire. Pourquoi ? Car la langue, notamment française, a associé sinon assimilé la virilité, la force et le courage à l’abondance pileuse du visage. En témoigne l’adjectif même de « poilu[35] » qui va devenir un substantif synonyme de « soldat ».

Le fonctionnaire militaire français est un moustachu : un poilu.

Il en va différemment de la perception de la barbe ainsi qu’on le rappellera infra.

L’absence de tatouage obligatoire des agents publics. Cela dit, en droit français (sur le territoire métropolitain tout du moins), il n’a a priori pas existé d’obligation normative de tatouer un agent public du fait de sa fonction. L’hypothèse de quelques usages bagnards[36] n’est effectivement pas à prendre ici en compte car il s’agit d’usagers contraints et non d’agents du service public pénitentiaire.

II. Une tolérance croissante
des apparences & de la diversité :
vers un droit des agents publics aux Tbm

Parmi les discriminations dans l’emploi, celles relatives à l’apparence physique ne sont pas les plus fréquentes même si leur perception n’est pas anecdotique pour autant ainsi qu’en atteste l’un des derniers[37] « baromètres » publiés par le Défenseur des droits en partenariat avec l’Organisation Internationale du Travail. Un quart des travailleurs (publics comme privés de façon similaire[38]) aurait ainsi été confronté à la perception d’une discrimination à l’embauche[39] ou dans son emploi ce qui serait principalement matérialisé par des actes ou propos racistes, liés aux sexualités, à la santé et sexistes. Toutefois, la question de discriminations liées à l’apparence physique existe ainsi que le Défenseur des droits l’avait d’ailleurs particulièrement mis en évidence lors de la publication, en 2016[40], de son IXe « Baromètre » précisément intitulé : « le physique de l’emploi » ainsi, plus récemment, que dans sa décision-cadre 2019-205.

Les codes vestimentaires adoptés, la corpulence (et notamment le surpoids) d’un travailleur ou d’une travailleuse, sa « coiffure », ses « tatouages » ou éventuels « piercings » peuvent manifestement conditionner des réactions hostiles dans l’emploi. Un sondage fait alors apparaître que pour plus d’un tiers des travailleurs interrogés, il est « inacceptable quelle que soit la situation » qu’un agent soit sanctionné du fait d’un tatouage alors que pour encore près de 10% des exprimés, cette discrimination est tout à fait compréhensible ! Heureusement (pensons-nous), ceci évolue mais il est évident, au regard des différents Baromètres précités et consultés que si vous êtes agent public et cumulez certaines catégories ou pratiques, votre potentiel de subir des discriminations s’élève. Il en va ainsi des femmes non blanches non catholiques de plus de quarante-cinq ans, non hétérosexuelles, tatouées, percées et en surpoids. Tel est le combo perdant et stigmatisant.

La traduction sinon l’acceptation des comportements sociaux. On estime que la pratique du tatouage[41] depuis une quinzaine d’années est telle dans la société française que bientôt deux personnes majeures sur dix en détiendraient sur leurs peaux. Côté barbes et moustaches, depuis 2010, leur port est revenu à la mode et le phénomène australien Movember est désormais globalisé.

Les deux matérialisations (visages pileux et corps tatoués) ne sont ainsi pas ou plus des expressions mineures ou réservées à certaines catégories sociales ou à certains milieux.

C’est la société notamment française, dans toutes ses dimensions, qui connaît ces phénomènes. En 2014, aux Etats-Unis d’Amérique une pétition a ainsi réussi à faire plier la chaîne Starbucks pour qu’elle cesse de discriminer les serveurs tatoués. En 2020, le barbu n’est donc pas (ou plus nécessairement perçu comme) un dangereux gauchiste négligé, un religieux ultra appliquant les préconisations du Lévitique (19.27). De même le tatoué n’est pas (ou plus) un marginal, un « mauvais garçon », une « mauvaise fille » aux vertus questionnées, un ancien prisonnier[42]. La société tout entière s’est convertie à ces expressions et les fonctions publiques, pour une fois, semblent s’y adapter.

Un rapport[43] a particulièrement accompagné cette prise en compte de la diversité sociale et de ses apparences physiques. C’est celui remis, en 2016, par le professeur L’Horty au ministère de la fonction publique (lorsqu’il en existait encore un). Démontrant, chiffres et pratiques à l’appui, que la diversité ne rimait pas (toujours) avec l’emploi public où les discriminations à l’emploi existeraient de façon durable sinon institutionnalisée, le document universitaire a fait l’effet d’une bombe qu’heureusement les gouvernants successifs semblent ne pas avoir – totalement – ignorée.

Désormais, les fonctions publiques voudraient incarner davantage tous les visages de la société et donc, y compris, ceux des barbus et des tatoués. On s’en réjouira.

L’évolution récente des fonctions publiques d’autorité. Même les fonctions publiques d’autorité (comme l’armée ou la police) semblent avoir cédé à la demande sociale notamment exprimée depuis les années 2010 par les syndicats[44].

En effet, alors que, selon les localisations, certains policiers étaient autorisés à porter la barbe ou à ne pas dissimuler leurs tatouages, d’autres pratiques les prohibaient totalement au nom de l’Egalité uniforme créant, de facto, des ressentis inégalitaires. Après cinq années d’échanges (et parfois d’avancées puis de reculs), la Direction Générale de la Police Nationale (Dgpn) a pris une instruction[45] (datée du 12 janvier 2018 ; Nor : Intc 1801913J) permettant le port encadré des « tatouages, barbes et moustaches, bijoux ou accessoires de mode par les personnels affectés dans les services de la police nationale ». Cette circulaire prise par le préfet Morvan, directeur de la Dgpn prend acte de ce que les piercings et les Tbm ne sont pas qu’un effet de « mode » mais bien « un phénomène culturel et de société ». En conséquence, conclut la direction, tant que les règles de déontologie et l’ordre public ne sont pas atteints et que les coupes des cheveux et poils faciaux demeurent « courtes, soignées et entretenues, sans fantaisie, compatibles avec le port des coiffes de service », rien n’empêche a priori un agent de porter barbe, moustache ou tatouage(s). Après avoir posé ce principe, l’instruction mentionne deux exceptions principales (que l’on retrouve, du reste, en toute profession) :

  • lorsqu’est en jeu la sécurité (par exemple pour une barbe trop longue d’un représentant des forces publiques au point qu’un manifestant pourrait s’en saisir contre l’agent lui-même ou parce qu’il ne pourrait pas porter par exemple un masque à gaz[46] ou à propos de piercings ou d’autres bijoux qui pourraient être retournés contre leurs porteurs) ;
  • et s’agissant d’un port incompatible avec les obligations déontologiques de neutralité des agents (par exemple s’agissant d’une croix gammée).

Enfin, souligne l’acte para-réglementaire, au visa du Code de la sécurité intérieure (art. R. 434-1 et s.) applicable aux gendarmes et aux policiers et spécialement vis-à-vis de l’art. R. 434-14, « le policier ou le gendarme est au service de la population. Sa relation avec celle-ci est empreinte de courtoisie (sic) et requiert l’usage du vouvoiement (re sic) ». Au nom de la « dignité des personnes », l’instruction souligne une circonstance particulière : tout agent positionné en uniforme et/ou en contact direct avec le public se doit d’être particulièrement exemplaire (principe que l’on va retrouver applicable à toute profession).

La tradition des corps d’armées : les corps pileux notamment tatoués. Ainsi qu’on l’a rappelé supra, les corps d’armées ont connu jusqu’en 1933 une obligation normative pileuse. En revanche, rien n’imposait à ces corps d’être tatoués. Toutefois, si rien ne l’obligeait et ne l’oblige encore officiellement, ont longtemps existé – et existent encore – des traditions et des usages en matière de tatouages. La Marine[47] dans de nombreux pays en est peut-être, avec la Légion étrangère, le corps le plus topique et ce, s’agissant des marins, singulièrement dans les pays anglo-saxons[48]. Ici le Droit écrit ne compte (presque) plus s’agissant au moins de l’apparence physique : la force de la tradition des communautés d’individus aux rites propres aux groupes s’impose. Comme autrefois lorsque la métropole acceptait qu’une colonie (parce qu’elle était éloignée et concernait moins de monde) bénéficiât d’exceptions, les marins et les légionnaires (parce qu’ils sont la plupart du temps éloignés du territoire métropolitain et qu’ils ne sont pas si nombreux) voient leurs signes identitaires s’affirmer sous l’œil tolérant et complice de la République.

Le travailleur accueillant (ou non) du public. Cette parenthèse marine refermée, il faut aborder le principe cardinal de notre étude : la confrontation de l’agent au public. En effet, en droit public comme en droit privé, ne pas revêtir correctement un uniforme donné ou ne pas manifester une apparence physique jugée digne est susceptible de sanction(s). Il s’agit bien d’une faute professionnelle ainsi que l’a éprouvé un gardien de prison du centre corrézien de détention d’Uzerche qui a reçu un avertissement du directeur régional des services pénitentiaires parce qu’il avait effectué une partie de son service (la surveillance de détenus pendant des activités sportives) en baskets ! « Pas de Tn pour les matons » a également estimé, après l’employeur public, le Tribunal Administratif de Limoges[49] (jugement n°01-1514 du 06 mai 2004). Ce dernier relevant que la mission de surveillance précitée « n’impliquait aucunement » que le gardien « prenne part aux activités sportives en cause » ! Il en est de même en droit privé[50].

La jurisprudence en matière de tenues et/ou d’apparences physiques jugées inappropriées est assez claire, même si elle relève d’une appréciation toujours circonstanciée et propre aux fonctions exercées.

Un agent en contact direct avec le public n’est ainsi pas placé dans la même situation (et avec les mêmes obligations de soin de son apparence physique) qu’une ou un collègue placé dans un bureau ou un atelier ne recevant pas d’administrés ou de clients.

Si l’employeur peut donc imposer une « tenue » / « apparence » particulière et conforme à l’emploi considéré, il ne peut pas pour autant tout sanctionner ou refuser.

Résumons-nous : par principe l’employeur public (comme privé) ne peut – sans causer de discrimination (et donc en être condamné) – refuser d’employer ou sanctionner lui-même (jusqu’au licenciement) un travailleur barbu, moustachu et/ou tatoué parce qu’il serait barbu, moustachu et/ou tatoué. L’Egalité s’affirme.

  • En revanche, s’il existe un impératif d’ordre public (comme celui de sécurité) ou une contrainte professionnelle particulière avérée, les ports précités pourront être restreints. Ainsi, un agent travaillant avec des produits combustibles ou avec de la pyrotechnie pourrait voir le port de sa barbe (inflammable) contraint.
  • Surtout, si l’agent est en contact avec le public, il ne doit choquer ou porter atteinte à la dignité de personne. C’est évidemment ce dernier critère – le plus subjectif – qui donnera lieu aux appréciations les plus difficiles et circonstanciées. Ce qui sera permis pour un enseignant-chercheur s’adressant à un public majeur ne le sera pas nécessairement pour un professeur des écoles. Ce qui sera admis pour un policier ou d’un gardien de prison ne le sera pas nécessairement d’un magistrat, etc.

Il faut ici mentionner l’existence de la décision-cadre 2019-205[51] du Défenseur des droits qui permet non seulement de résumer l’état du Droit mais encore d’attirer l’attention des employeurs sur le risque de discriminations. En effet, rappelle le document, les caractéristiques physiques peuvent être considérées et contraintes par l’employeur public ou privé si elles répondent à « une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée ». Ce sont les rares exceptions qui seront développées infra. La décision-cadre signale par ailleurs que selon elle « le contact avec les usagers, l’exercice d’une fonction d’autorité ou la relation avec la clientèle ne permettent pas, à elles seules, de justifier toutes les restrictions ». Tout est donc bien affaire d’appréciation circonstanciée dans cette appréhension de l’apparence physique que le Défenseur définit ainsi au point 27 : « l’ensemble des caractéristiques physiques (sic) et des attributs visibles propres à une personne, qui relèvent tant de son intégrité physique et corporelle (morphologie, taille, poids, traits du visage, phénotype, stigmates etc.) que d’éléments liés à l’expression de sa personnalité (tenues et accessoires vestimentaires, coiffure, barbe, piercings, tatouages, maquillage, etc.) ». Les Tbm sont ainsi bien concernés.

III. Le refus des messages appréhendés comme politiques, religieux ou porteurs de propos prohibés dans l’espace public

Si la tolérance des apparences physiques semble croissante, demeurent deux exceptions : celles de certains « messages » prohibés dans l’espace public et la question, tout aussi croissante, de la véritable « peur » du religieux (notamment musulman) et des manifestes fantasmes qu’elle véhicule.

L’antique interdiction de la barbe gauchiste. Si la moustache a été réglementaire dans l’uniforme public militaire, la barbe n’a pas connu le même engouement. Sous l’Ancien Régime, rappelle ainsi Glasson[52], on trouve une ordonnance royale de 1540 « qui défendait à tous juges, avocats et autres, de porter barbe et habillements dissolus » mais l’on sait également que le port de la barbe et de la moustache dans la magistrature fluctua selon les siècles et notamment les modes suivies par l’Eglise et ou le Souverain. En 1974, l’article 11 du Règlement intérieur d’emploi des gradés et gardiens de la police nationale[53] interdisait même explicitement son port sans exception. Il est désormais toléré mais accepté seulement s’il est court.

La barbe longue demeure en effet dans l’inconscient collectif celle des dangereux révolutionnaires dits gauchistes. A l’Université, ainsi, on se souvient que plusieurs normes ont régi les usages capillaires[54]. Le 20 mars 1852, la circulaire Fortoul du ministre de l’Instruction publique interdisait aux enseignants de porter barbes et moustaches. Ces premières, « peu compatibles avec la gravité du professorat » étaient, sous le Second Empire, perçues comme un signe d’opposition au pouvoir impérial. Alors, commentait-on « Hugo, qui a commencé sa carrière joues nues, se laissa croître le poil à mesure qu’il se gauchisait »[55] ! Plus tard, expliquera même Pier Paolo Pasolini : « le langage de ses cheveux exprimait, même indiciblement, des « choses » de gauche » !

A l’Opéra où se produisent notamment des agents publics, la question a même été posée devant les tribunaux : les artistes (que l’Etat rétribuait directement ou non) avaient-ils en conséquence le droit, sans offenses, de paraître sans être glabre ? Et l’auteur du code du théâtre[56] de répondre en résumant la jurisprudence : « l’artiste est tenu de se soumettre à toutes les exigences de ses rôles et de son emploi » ; « il doit en faire le sacrifice (sic) chaque fois que les besoins du service l’exigent ». Force est alors de constater qu’en 2020, toujours, la barbe longue est encore mal perçue. L’instruction précitée de 2018 applicable aux gendarmes et policiers y insiste : si barbe ou moustache il y a : la coupe en sera courte et soignée « sans fantaisie ». A la fin du XIXe siècle, de même, lorsque les poils faciaux étaient tolérés jusque dans les corps armés, il était bien précisé qu’ils seraient taillés et ordonnés et non libres et longs à la seule exception, peut-être, de la barbe longue étonnamment acceptée chez les sapeurs[57] et ce, peut-être du fait du patronyme de leur sainte-patronne. C’est cet état que décrit la théorie militaire et administrative de Cochet de Savigny[58]. Plus récemment (avant l’instruction de janvier 2018), certains médias[59] ont même évoqué dans les corps armés et chez les Crs par exemple de véritables « chasses aux barbus » et l’existence d’une « note de la direction zonale des compagnies républicaines de sécurité » du 1er mars 2017 pour la région Est. Selon cette instruction : « à compter de ce jour est mis en place un tableau mensuel recensant le nombre de fonctionnaires porteurs de barbe ou de bouc ». Heureusement pour les Crs barbus, la circulaire Morvan a modifié cet ordre étonnant daté de 2017 mais respirant les siècles passés. Cela dit, l’art. 90 du règlement intérieur des Compagnies Républicaines de Sécurité continue d’affirmer l’interdit de la barbe aux Crs à moins d’une autorisation explicite du chef de service central des Crs.

La traduction des interdits (notamment de sécurité) de l’espace et de l’ordre publics. Ainsi, les éléments matériels permettant de justifier l’interdit vestimentaire ou d’apparence physique sont rares. Il existe effectivement quelques obligations dues à des emplois spécifiques et dangereux (où l’on va par exemple manipuler des produits dangereux), quelques exigences d’hygiène (en contact avec des produits alimentaires ou de santé notamment) et de sécurité (pour les agents ou le public qu’ils côtoient) mais ces éléments matériels sont plutôt et si objectivement circonstanciés qu’ils ne posent, au contentieux, que peu de difficulté(s). Ainsi, un Crs avec une barbe de cinquante centimètres pourra entendre qu’il est dangereux pour sa sécurité qu’un potentiel manifestant s’y agrippe. Une infirmière comprendra également que le tatouage à propos duquel elle a une réaction cutanée vive et qu’elle vient de réaliser pourrait être mal perçu sinon craint des patients et de sa hiérarchie lui demandant d’agir en milieu stérile. Concrètement, par exemple, l’instruction Morvan précitée nous indique, à propos des policiers, qu’afin « de respecter les exigences de sécurité et la nécessaire étanchéité du matériel prescrite par le fabricant, le port de la barbe ou des favoris ne pourra pas être autorisé lors de 1 ‘utilisation des équipements spéciaux de la tenue Nrbc, à 1’ exception des entraînements et exercices » ; ladite tenue étant celle des opérations Nucléaires, Radiologiques, Biologiques et Chimiques.

Le refus des symboles explicites contraires à la neutralité. La recherche des « Tbm déontologiques ». Plus complexe à appréhender est la justification d’éléments non matériels mais psychologiques ou spirituels. Il en est particulièrement ainsi des tatouages dont on peut se demander comment les appréhender au regard de la liberté de se vêtir, d’assumer son apparence physique et in fine de la liberté d’expression[60]. « Mort aux vaches » ou « aux cons », croix gammée, injures et autres propos diffamants, racistes, antisémites ou encore xénophobes : il est évident que si ces expressions étaient verbalisées en public ou entre collègues par un agent public, elles seraient sanctionnées. Il n’y a donc aucune raison pour qu’un tatouage qui traduirait les mêmes matérialisations soit acceptable et accepté. Tout ce qui est contraire à l’oral ou par le derme coloré aux obligations déontologiques et statutaires et – évidemment – aux Lois de la République est et doit être sanctionné. Il en va conséquemment s’ils sont visibles des collègues, de la hiérarchie ou évidemment du public de tatouages qui :

  • seraient injurieux ou diffamants (comme des doigts sur lesquels seraient écrits « Vtff » ou encore « Bastard », « Fuck off » ;
  • porteraient atteinte à la neutralité du service dans toutes ses dimensions (religieuse, politique, philosophique, etc.) à l’instar de messages tels que « à bas la République ! », « Vive le Rassemblement National ! » ou même de logotypes de partis ou d’idéaux politiques partisans ;
  • en particulier manifesterait un prosélytisme ou un dénonciation d’une religion ou d’un comportement religieux donné (ce qui serait contraire au principe de Laïcité à la différence du port d’une barbe) et ce, à l’image d’un verset, d’une représentation biblique, satanique, etc.

Bien entendu, ici comme souvent en Droit, tout sera question d’appréciation et d’interprétation in concreto. Un message certes biblique comme « aimez-vous les uns les autres » serait potentiellement accepté ; une rose au poing pourrait même l’être s’il ne s’agit pas du strict logotype du parti socialiste. On part donc ici – en pratique – à la recherche des Tbm déontologiques ou conformes aux déontologies et pratiques professionnelles. Au contentieux, citons cet arrêt du Conseil d’Etat[61] confirmant le renvoi (rare avant même sa titularisation et la fin de sa période d’essai) d’un fonctionnaire stagiaire (en l’occurrence surveillant pénitentiaire) qui avait diffusé (notamment sur réseaux sociaux) ses préférences politiques extrémistes et l’existence sur son corps d’un tatouage néonazi. Même non visible en permanence, le fait que l’intéressé ait rendu publiques la connaissance et l’existence de ce tatouage au message prohibé car contraire à la neutralité du service public a suffi.

Saintes barbes prosélytes ? Deux dernières hypothèses pour terminer notre panorama des Tbm dans les fonctions publiques : les sapeurs-pompiers et la barbe dite prosélyte. S’agissant des premiers, on a rappelé supra que le port de la barbe leur avait un temps été reconnu (à la différence des militaires) mais – en toute hypothèse – de nos jours il demeure plus rare et ce, d’autant plus que l’arrêté du 8 avril 2015 fixant les tenues, uniformes, équipements, insignes et attributs des sapeurs-pompiers n’y incite pas véritablement. Son article 08 dispose en effet que « pour des raisons d’hygiène et de sécurité » : « le port de bijoux apparents (dont les boucles d’oreilles et les piercings) n’est pas autorisé ; les cheveux doivent être d’une longueur compatible avec le port d’une coiffe ou être attachés ; le rasage est impératif pour la prise de service ; dans le cas particulier du port de la barbe ou de la moustache, celles-ci doivent être bien taillées et permettre une efficacité optimale du port des masques de protection ». Donc, certes, la barbe est autorisée mais à titre exceptionnel et courte et bien taillée.

Rien à voir, cette fois, avec l’univers des sapeurs-pompiers et celui de leur « sainte patronne » (Sainte-Barbe) d’appropriation étonnamment républicaine, parlons maintenant de la « barbe » à connotation religieuse. On a compris qu’a priori tout agent public peut porter la barbe (au besoin courte et taillée dans certaines fonctions où des exigences sécuritaires ou de port de coiffes l’impliquerait) mais il est clair qu’en tant que tel le port d’une barbe ne saurait être interdit. Pourtant, une jurisprudence vient ternir ce principe et elle nous semble singulièrement détestable. Il s’agit de l’arrêt de la Caa de Versailles en date du 19 décembre 2017[62] qui a considéré à travers l’existence d’une barbe « particulièrement imposante » une « appartenance religieuse » contraire au principe de laïcité. Même si le 25 décembre approchait, il ne s’agissait évidemment pas de la barbe du Père noël ou de celle de Saint-Nicolas mais de celle d’un stagiaire associé à un centre hospitalier qui y était normalement accueilli du 4 novembre 2013 au 2 novembre 2014. Toutefois, le 13 février 2014, l’établissement de santé l’accueillant avait unilatéralement mis fin au stage de l’intéressé qui en a contesté la décision auprès du TA de Montreuil (qui a rejeté sa demande) et en appel devant la Caa de Versailles qui a également débouté l’intéressé. Mettons de côté les éléments de procédure disciplinaire (qui ici n’apportent que peu et sont assez banaux) et concentrons-nous sur le motif légitimant une telle mise au ban : sa « barbe particulièrement imposante » qui traduirait non seulement son appartenance religieuse mais encore un acte de prosélytisme vis-à-vis des usagers et des personnels. Certes, la Caa a rappelé dans son arrêt non seulement que la liberté de conscience et la laïcité sont deux principes constitutionnels à concilier mais surtout – ce qui est paradoxal – qu’a priori « le port d’une barbe, même longue, ne saurait à lui seul constituer un signe d’appartenance religieuse ». Pourtant, elle n’en a pas tiré les mêmes conséquences que nous (ou alors elle s’exprime fort mal et ne donne pas les éléments permettant de la suivre). En effet, qu’un agent public ou assimilé (comme un stagiaire) se doive de ne pas faire état de convictions religieuses est évident et non contesté : le principe de neutralité et / ou de laïcité s’y oppose. Si l’intéressé psalmodiait, s’il faisait des signes de croix, s’il donnait l’absolution à des patients, s’il récitait le Coran ou la Torah, il était parfaitement loisible à l’administration de sanctionner un tel comportement. Il en serait de même s’il officiait en soutane, avec une cornette dite « à la Rolande » ou pour une femme avec un voile islamique car ces tenues vestimentaires sont effectivement des signes destinés à marquer une appartenance religieuse. En revanche, il n’en est rien du seul port d’une barbe qui – même s’il est perçu comme tel et même si au fond il est pratiqué pour une raison religieuse – ne peut et ne doit, en France en 2020 alors que l’ordre moral n’est plus, justifier une telle sanction. Peu importe selon nous que d’aucuns aient perçu ladite formation pileuse comme religieuse car la barbe n’est ni un comportement, ni un message, ni un vêtement : elle fait partie intégrante de son porteur à l’instar de ses pieds, de ses mains ou de ses yeux. Un homme qui ne rase pas ou peu a par définition de la barbe : c’est un signe de masculinité passée la puberté et que certaines religions l’encouragent ou non n’y change rien. Il nous paraît conséquemment affolant qu’un juge[63] ose justifier une sanction pour ce seul motif. Ce n’est pas la barbe qui doit justifier une réaction mais le comportement de son porteur et si ce dernier se contente de ne pas être rasé, personne ne devrait pouvoir le lui reprocher. Or, précise la Cour, « dans ces conditions, il doit être regardé comme ayant manqué à ses obligations (…), alors même que le port de sa barbe ne s’est accompagné d’aucun acte de prosélytisme ni d’observations des usagers du service » ! Heureusement, entre la première écriture du présent article et sa publication, fut jugé et publié un pourvoi en cassation. Il résulte de ce dernier que par un arrêt[64] en date du 12 février 2020, le Palais royal a enfin affirmé solennellement que, quelle que soit sa taille, une barbe ne peut « être regardée comme étant par elle-même un signe d’appartenance religieuse » conséquemment contraire au principe de Laïcité. Il en était ainsi dans l’espèce litigieuse et les juges du fond avaient donc eu tord d’accepter la rupture unilatérale du stage du requérant barbu hors de « circonstance susceptible d’établir [qu’il] aurait manifesté [des] convictions [religieuses] dans l’exercice de ses fonctions ».

Tenue correcte exigée. En définitive, on retrouve ici avec les Tbm la fameuse expression plus moraliste que juridique de « tenue correcte exigée » ou pour reprendre la jurisprudence d’apparence « correcte et soignée ». Une négligence vestimentaire ou pileuse ne justifiera jamais en tant que telle une sanction mais s’il existe un uniforme ou des indications (par exemple dans un règlement intérieur) d’apparence physique à respecter, leur non-respect ne pourra être considéré comme discriminatoire[65]. De même, on s’attendra à ce que la décence et la pudeur soient respectées ce qui implique qu’un message érotique ou sexué que formerait un tatouage ou une coupe de poils ou de cheveux particulière serait susceptible d’entraîner une sanction professionnelle s’il est estimé qu’un préjudice ou un trouble est causé aux collègues ou à la clientèle (et ainsi qu’il en fut considéré à propos d’une employée portant des vêtements transparents et ce, sans… sous-vêtements[66]). Concrètement, cependant, redisons-le le seul port d’une barbe ou de cheveux longs (hors hypothèse militaire précitée) ne peut ni ne doit justifier un licenciement a contrario de ce qu’a jugé la Caa de Versailles en 2017[67] mais a pari de ce qu’entend la jurisprudence judiciaire de la Ca de Versailles[68]. Il en va différemment de l’entretien. En ce sens, rappelle la même Cour, « un soignant mal rasé » ne participeraitpas à « l’image de la plus grande propreté corporelle requise par le règlement d’un Ehpad » rapporte l’Annexe IV[69] de la décision-cadre préc. 2019-2015.

Du symbolique à l’esthétique. En conclusion, on aimerait partager le constat qu’émet Eric Guillon dans plusieurs des livres (préc.) qu’il a écrit ou co-écrit sur le sujet. Selon lui, en effet, alors que le tatouage a originellement été (y compris dans les fonctions publiques ajoutons-nous) un marqueur symbolique, un rite de passage ou d’escales parfois comme chez les marins et les légionnaires, il semble davantage devenu une unique préoccupation d’apparence physique esthétique.

Alors que barbes et tatouages dissimulaient (en les sublimant) autrefois les corps et gueules cassés des agents publics d’autorité, ils sont devenus désormais des matérialisations bien moins symboliques et beaucoup plus cosmétiques.


* Le présent article est dédié à Jordan C. des Curiosités J. pour qu’il retrouve le sourire.

[1] On entendra par tatouage la définition qu’en retient le Snat (cf. en ligne : https://www.s-n-a-t.org/download/charte_snat.pdf). Quant aux attributs pileux, on les qualifiera infra au moyen du Dictionnaire des connaissances générales utiles à la gendarmerie.

[2] Si les premiers concernent essentiellement les agents de sexe masculin (et l’on mettra de côté l’hypothèse – dont on conviendra qu’elle est plutôt rare en fonctions publiques – des « femmes à barbe »), les tatouages concernent en revanche les travailleurs de tout sexe.

[3] L’interrogation des normes, de la doctrine et de la jurisprudence administrative sur les Tbm en droit public est a priori décevante surtout lorsqu’après l’espoir de considérer 453 décisions traitant de « moustaches », on réalise qu’elles sont toutes ou presque dues à la présence en juridiction du président Roland Moustache.

[4] Rappelons que le terme s’emploie toujours au singulier pour un être humain et au pluriel pour les poils longs d’un animal comme le chat. On dira ainsi de Mme R. E. M. qu’elle a de « la » moustache et de Chaconne de Bach qu’elle a « des » moustaches. Enfin, le plus belle des moustaches est évidemment celle du désormais célèbre « Monsieur Moustache » (Hugo S.) à qui les présents propos sont offerts.

[5] A nos yeux (dont on concédera qu’ils sont subjectifs), le plus bel article sur la question est celui de : Schmitz Julia, « Costume, vêtement(s) & droit du travail : la liberté de se vêtir au travail » in Chansons & costumes « à la mode » juridique & française ; Le Mans, L’Epitoge ; 2015 ; p. 107 et s.

[6] Cass., Soc., 28 mai 2003, n°02-40.273 dans l’affaire désormais célèbre dite du « bermuda ».

[7] Cedh, 1er juillet 2014 (GC), S. A. S c/ France, n° 43835/11.

[8] Cedh, 27 août 2015, Parillo c/ Italie, n° 46470/11.

[9] Tel qu’exprimé dans la Constitution, dans la devise de l’Etat ou encore par CE, Ass., 28 mai 1954, Barel (Rec. p. 308).

[10] Conseil Constitutionnel, Décision n° 87-232-DC du 7 janvier 1988.

[11] Ordonnance n° 2005-901 du 2 août 2005 relative aux conditions d’âge dans la fonction publique et instituant un nouveau Parcours d’Accès aux Carrières de la fonction publique Territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l’Etat.

[12] Et ce, à titre très personnel, même si le sens de cette expression nous hérisse le poil (de la barbe évidemment) ainsi qu’on l’a expliqué in Dictionnaire de droit public interne ; Paris, LexisNexis ; 2017 ; p. 132 et s.

[13] Loi dite Le Pors n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

[14] Voyez en ce sens sur le site de l’institution :

https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=18851.

[15] Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique et notre commentaire (critique) :

http://unitedudroit.org/FP/TFP1-MTD.pdf en partie publié in Droit social ; 2020 ; n°03 ; p. 232 et s.

[16] Il en sera ainsi des vêtements ignifugés des pompiers ou des treillis de camouflage des militaires.

[17] A ce propos, on se permettra de renvoyer à : Touzeil-Divina Mathieu, « Uniformes (civils) des fonctions publiques nationales : entre ordre(s) & Egalité » in Chansons & costumes … ; op. cit. ; p. 161 et s.

[18] En droit privé (car nous n’avons pas – encore – trouvé d’exemple en droit public) il en a ainsi été jugé à propos d’un agent de sécurité à qui l’on imposait, à tort, un uniforme alors qu’il était enfermé dans une cabine de visionnage de télésurveillance sans contact avec le public.

[19] Ainsi est confirmé le licenciement de l’agent de police portant un foulard visible sous sa casquette réglementaire ainsi que des vêtements longs dissimulant ses bras sous un polo à manches courtes : Caa Paris, 19 février 2019 (n°17PA00273).

[20] Il en va ainsi de la compagnie de service (encore) public Air France.

[21] Reproduite au Journal militaire ; 1832 ; p. 182 et s.

[22] Cette dernière étant, selon le Dictionnaire préc. des connaissances générales utiles à la gendarmerie (Paris, Lavauzelle ; 14e éd. de 1902 ; p. 523), la « partie de la barbe qui pousse au-dessus de la lèvre supérieure ». La barbe se définissant quant à elle comme l’« ensemble des poils qui poussent sur le visage de l’homme (sic) » (ibidem ; p. 94 et s.). V. également : Dupuis Delphine, Petit manuel de la moustache et de la barbe ; Paris, Les vieux tiroirs ; 2013 ; spécialement p. 158 et s.

[23] Il s’agissait – encore – de Nicolas Joseph Maison (1771-1840) entre temps devenu Ministre de la Guerre.

[24] In Gend’Info ; juillet 2011 ; repris in Libération du 15 juillet 2011.

[25] Art. 331 du décret du 21 septembre 1916 sur le service intérieur des corps de troupe in Bulletin des Lois de la République française ; 1916 ; p. 1559.

[26] Cf. Décret du 1er avril 1933 portant règlement du service dans l’armée. 1re partie. Discipline générale. Mis à jour à la date du 15 avril 1940 ; Paris, Lavauzelle ; 1940 ; p. 33.

[27] Touzeil-Divina Mathieu & Touzeil Tiphaine, « Un droit à l’utopie ? Voyage au cœur des aventures du Philémon de Fred » in Le Droit dans les Bandes dessinées ; Paris, Lgdj ; 2012 ; p. 171 et s.

[28] On reprend ici des éléments développés in « Uniformes (civils) des fonctions publiques nationales » préc.

[29] On lira à cet égard les deux premiers chapitres (à propos de la Bible, de l’Islam et du poil) de : Auzépy Marie-France & Cornette Joël (dir.), Histoire du poil ; Paris, Belin ; 2011.

[30] Perruques qui furent cependant abandonnées en France sur prescription… et pression médicale ainsi que le rappelle : Herzog-Evans Martine, « To robe or not to robe : discussion internationale informelle autour du port de la robe par les magistrats et les avocats » in Ajdp ; juillet 2013 ; n°7, p. 395 et s. Ces mêmes perruques, d’ailleurs, furent importées depuis la mode française au Royaume-Uni où elles sont demeurées, notamment dans le costume juridique, encore d’actualité : Woodcock Thomas, Legal habits ; a brief sartorial history of Wig, Robe and Gown ; Londres, Ede and Ravenscroft ; 2003.

[31] Affaire notamment racontée par Rousselet Marcel, Histoire de la magistrature française ; des origines à nos jours ; Paris, Plon ; 1957 ; Tome I ; p. 347 et s.

[32] Cf. Deligand Edouard, Les gens de robe peuvent-ils porter moustache ?; Sens, Duchemin ; 1876.

[33] Cité par M. Julien ; op. cit. ; p. 06.

[34] Dupuis Delphine, Petit manuel de la moustache et de la barbe ; Paris, Les Vieux tiroirs ; 2013 ; p. 161.

[35] A son sujet : Cronier Emmanuelle, « Les poilus » in Histoire du poil ; op. cit. ; p. 235 et s.

[36] Au présent ouvrage on lira avec profit : Dhalluin Sébastien, « Marquer les hommes comme l’on marque les bêtes : la peine de la flétrissure, une altération judiciaire des corps criminels » ; p.63 et s.

[37] Il s’agit du XIe « baromètre » de la perception des discriminations dans l’emploi (2018), accessible sur :

https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/etudresult-harcmoral-a4-num-30.08.18.pdf.

[38] Ibidem ; p. 03 du « baromètre ».

[39] Duflos Julie & Hidri Neys Oumaya, « Entre perceptions accrues et recours marginaux : le paradoxe des discriminations selon l’apparence physique à l’embauche » in Les cahiers de la LCD ;2018 ; n°6 ; p. 99 et s.

[40] Https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/—europe/—ro-geneva/—ilo-paris/documents/publication/wcms_452486.pdf.

[41] Que décrypte (outre son histoire et ses évolutions) le catalogue de l’exposition (du Musée du Quai Branly) Tatoueurs, tatoués ; Paris, Actes Sud ; 2014. Peuvent également être consultés à ce sujet non seulement plusieurs des articles du site Internet du Syndicat National des Artistes Tatoueurs et des professionnels du tatouage (Snat) (https://syndicat-national-des-artistes-tatoueurs.assoconnect.com/page/86330-accueil) ainsi que : Le Breton David, Signes d’identité ; tatouages, piercings et autres marques corporelles ; Paris, Métailié ; 2002.

[42] Ainsi qu’en témoignent les très beaux livres de : Pierrat Jérôme & Guillon Eric, Les vrais, les durs, les tatoués : le tatouage à Biribi ; Paris, Larivière ; 2005 et (des mêmes auteurs) Mauvais garçons, tattoed underworld a portrait gallery ; Paris, Manufacture de livres ; 2013.

[43] Https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/Espace_Presse/girardin/Rapport_LHorty_final.pdf.

[44] Dont l’Unsa-Police qui le rappelle avec fierté :

http://police.unsa.org/specialistes/conditions-de-travail/article/tatouages-barbes-et-moustaches-l-unsa-police-obtient-satisfaction.

[45] In Bomi (Bulletin Officiel du Ministère de l’Intérieur) ; 2018-02 ; p. 196 et s.

[46] Ces deux exemples – non fictifs – ayant été confirmés par plusieurs agents (dont un « grand barbu ») et anciennement manceaux que l’auteur du présent texte tient à saluer et à remercier. Pour le cas du masque à gaz, la jurisprudence confirme a priori l’analogie avec un agent administratif qui refusait de se raser impliquant qu’il ne pouvait plus porter l’appareil de protection respiratoire que son emploi d’entretien de la piscine municipale imposait : Caa de Versailles, 19 février 2008 (n°06VE02005).

[47] Sur le sujet : Pierrat Jérôme & Guillon Eric, Les gars de la marine : le tatouage de marin ; Paris, Larivière ; 2005. Les auteurs rappellent notamment que c’est à la Marine que l’on doit même le mot « tattow » transformation du « tatau » tahitien des marques dermiques bleutées.

[48] Pierrat Jérôme & Guillon Eric, Marins tatoués (…); Paris, Manufacture de livres ; 2018.

[49] Cf. « à propos du port de l’uniforme (prison) » in Ajfp ; juillet 2004 ; n°4, p. 204 et s.

[50] C’est la célèbre jurisprudence de l’agent immobilier en jogging (Cass., Soc., 06 novembre 2001, Brunet ; Liaisons sociales ; 20 décembre 2001 ; n°746) ou du salarié en bermuda (Cass., Soc., 28 mai 2003 (02-40273)).

[51] Https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/decision-cadre_apparence_physique.pdf.

[52] Glasson Ernest-Désiré, Les origines du costume de la magistrature, Paris, Larose et Forcel, 1884 ; p. 17.

[53] Dans sa version actualisée en 2012, il est encore en ligne ici :
http://www.fpip-police.fr/wp-content/uploads/2012/03/RIPN.pdf.

[54] Voyez en ce sens à l’occurrence « M comme Moustaches » in Touzeil-Divina Mathieu & Boninchi Marc, « Dictionnaire policé du Droit de l’opéra au XIXe siècle » in Droit & Opéra ; Paris, Lgdj ; 2008 ; p. 338 et s.

[55] Cité par Baillette Frédéric, « Organisations pileuses et positions politiques ; à propos de démêlés idéologico-capillaires » in Quasimodo ; n°7 ; Montpellier ; 2003 ; p. 121 et s.

[56] Le Senne Charles, Code du théâtre (…) ; Paris, Tresse ; 1878.

[57] Ce qui semble pourtant incompatible avec la sécurité des agents (le poil étant particulièrement inflammable) mais est attesté dans plusieurs documents dont le truculent Carnet de la Sabretache : revue militaire rétrospective ; publiée mensuellement par la Société « La Sabretache » ; Paris, Leroy ; 1937 ; p. 525.

[58] Cochet de Savigny Pierre Claude Melchior, de la gendarmerie (…) ; Théorie militaire et administrative ; Paris, Léautey ; 1844 ; Tome II ; p. 879 et s.

[59] Https://www.lepoint.fr/societe/les-crs-ouvrent-la-chasse-aux-barbus-03-03-2017-2109169_23.php.

[60] Sur ce sujet, on lira au présent ouvrage : Nicaud Baptiste, « Tatouage et liberté d’expression » ; (…)

[61] CE, 04 juillet 2018, B. (req. 419180).

[62] (15VE03582) commenté par nos soins au Jcp A 2018 ; n°02 ; 14 et s.(dont les propos suivants sont tirés).

[63] Encouragé, cela dit, par les propos de plusieurs politiques jusqu’au sommet de l’Etat. On se souvient en ce sens des déclarations hallucinantes du ministre de l’Intérieur, Castaner, en octobre 2019 expliquant (devant plusieurs commissions parlementaires à l’Assemblée Nationale comme au Sénat) que, parmi les signes de radicalisation des islamistes, il fallait être particulièrement sensible à la barbe. Ces mots ont provoqué le dégoût puis l’hilarité de nombreux citoyens qui les ont dénoncés et raillés sur les réseaux sociaux, au moyen du hashtag #SignaleUnMusulman, dénonçant à ce titre plusieurs dangereux barbus comme le premier ministre Edouard Philippe, l’ancien président du parti des Républicains, Laurent Wauquiez ainsi que de nombreux hipsters !

[64] Avec nos observations « Au nez et à la barbe des juges du fond, le Conseil d’Etat rappelle (enfin) qu’en soi porter la barbe n’est ni illégal ni contraire au principe de Laïcité » in Jcp A n°08 ; 2020 ; p. 03 et s.

[65] CA Nancy, 06 février 2013 (n° 12/00984) cité dans la décision-cadre préc. du Défenseur des droits.

[66] Cass., Soc., 22 juillet 1986 (n°82-43.824) in Liaisons sociales n°5844 ; p. 07.

[67] Et a priori aussi à la mairie de Tremblay-en-France en 2011 où un fonctionnaire semble avoir connu le même sort selon : Feixas Jean & Pierrat Emmanuel, Barbes et moustaches ; Paris, Hoëbeke ; 2015 ; p. 98.

[68] A propos d’un salarié de supermarché respectant le port des vêtements de la « marque » au service de laquelle il était employé mais à la barbe et aux cheveux longs (ainsi qu’avec une boucle d’oreille) ce qui n’a pas été jugé contraire à la « tenue propre et correcte » imposée par le règlement intérieur de l’enseigne : Ca de Versailles, 08 juillet 1994, n°93-6638.

[69] Op. cit. ; p. 33 à propos de CA Versailles, 31 août 2011, n°10/03526.

Nota Bene : le présent ouvrage est diffusé par les Editions Lextenso.
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