Religions en droit public méditerranéen par le pr. Kaboglu

ParEditions L'Epitoge (Collectif l'Unité du Droit)

Religions en droit public méditerranéen par le pr. Kaboglu

Voici la 40e publication offerte dans le cadre des 75 jours confinés des Editions L’Epitoge. Il s’agit d’un extrait du 5e livre de nos Editions dans la collection dite verte de la Revue Méditerranéenne de Droit public publiée depuis 2013.

Cet ouvrage est le cinquième issu de la collection
« Revue Méditerranéenne de Droit Public (RM-DP) ».

En voici les détails techniques ainsi qu’une présentation :

Volume V :
Existe-t-il un droit public méditerranéen ?

Ouvrage collectif
(dir. Laboratoire Méditerranéen de Droit Public
Amal Mecherfi, Rkia El Mossadeq & Mathieu Touzeil-Divina)

– Nombre de pages : 224
– Sortie : novembre 2016
– Prix : 39 €

ISBN / EAN :979-10-92684-15-5 / 9791092684155

ISSN : 2268-9893

Mots-Clefs : Droit(s) comparé(s) – droit public – Justice(s) – droit administratif – droit colonial – Libertés – Constitution – constitutionnalisme – Méditerranée – Cours constitutionnelles – Pouvoir(s) – Laboratoire Méditerranéen de Droit Public

Présentation :

Le présent ouvrage est le fruit de deux journées d’étude(s) qui se sont déroulées à Rabat (à l’Université Mohammed V) les 28 & 29 octobre 2015. Réunissant des contributeurs – universitaires & praticiens – issus d’une dizaine de pays du bassin méditerranéen, l’ouvrage se propose d’interroger l’existence d’un (ou de plusieurs) droit(s) public(s) méditerranéen(s) ou plutôt « en Méditerranée ». Pour ce faire, après avoir présenté la démarche propre au Laboratoire Méditerranéen de Droit Public et abordé des questions de méthodologie(s), ce sont différents aspects publicistes qui seront analysés : la place de la Constitution, celle des religions, les frontières du (des) droit(s) administratif(s) ainsi que le rôle des juges de ce droit public en Méditerranée. Enfin, ne méconnaissant pas son passé, l’opus questionne le futur d’un droit public méditerranéen à l’aune des mouvements de globalisation, d’européanisation et d’internationalisation.

Ont participé à ce numéro : M. le Président Sakellariou, M. le conseiller constitutionnel Messarra, M. l’ambassadeur Varouxakis, Mmes et MM. les professeurs Bonnet, Cassella, Chaabane, Cossalter, Chaouche, Fuentes I Gaso, Iannello, Kaboglu, Karam Boustany, Ktistaki & Touzeil-Divina ainsi que Mmes et MM. Elshoud, Espagno, Kouzzi, Meyer, Papadimitriou, Perlo, Pierchon, Schmitz & Willman Bordat.

Des religions dans le droit public méditerranéen.
Le dilemme des Constitutions
des Etats arabo-musulmans entre spiritualité et temporalité & les caractéristiques de la République de Turquie

Ibrahim Özden Kaboglu
Professeur de droit constitutionnel à l’Université de Marmara – Istanbul
membre du Directoire du Laboratoire Méditerranéenne de Droit Public,
Directeur de l’équipe « Turquie » du Laboratoire Méditerranéen de Droit Public

I. A propos des caractéristiques du constitutionnalisme contemporain et des Etats dits du « Mena »[1]

Les mouvements constitutionnels dans le bassin méditerranéen vont être analysés sous l’optique de quelques caractéristiques des constitutions contemporaines.

A. Quelques caractéristiques des constitutions contemporaines

Tout d’abord, il convient de signaler que chaque société a ses spécificités qui déterminent les caractéristiques de la norme fondamentale. Pour cette raison, la Constitution peut être qualifiée d’« autobiographie d’un peuple[2] ».

Ensuite, il faut signaler que la Constitution peut être aussi définie comme « technique de liberté[3] ». En effet, les droits de l’Homme tels que dénominateur commun de toutes les Constitutions sont reconnus, aménagée et garantis par les normes fondamentales.

Enfin, toutes les Constitutions qui visent à créer l’Etat de droit doivent introduire les mécanismes de « checks and balances » (pouvoirs et contre-pouvoirs) qui peuvent être conçus sur les cinq plans suivants :

Au sein de chaque pouvoir : législatif (monocaméral ou bicaméral), exécutif (monocéphale ou bicéphale), juridictionnel (judiciaire, administratif et constitutionnel).

Entre les trois pouvoirs : législatif, exécutif et juridictionnel (l’existence du veto présidentiel, le contrôle a priori et a posteriori de la Cour constitutionnelle, le contrôle du parlement sur le gouvernement, etc.).

Entre le centre et la périphérie : pour les Etats unitaires le niveau de centralisation et de décentralisation. Plus l’Etat est décentralisé, plus les autorités décentralisées peuvent jouer un rôle du contre poids vis-à-vis des pouvoirs politiques.

Entre l’Etat et la société : une société autonome, c’est-à-dire la société dont les droits de l’Homme constituent les valeurs fondamentales peut être conçue elle-même comme mécanisme de frein a priori vis-à-vis des pouvoirs politiques.

Entre le niveau national et le niveau international : au-delà des engagements internationaux d’un Etat et de la place des conventions relatives aux droits de l’homme dans la hiérarchie des normes en droit interne, le caractère universel des droits de l’Homme affecte la souveraineté étatique[4]. A cela, la transformation de la conception de la souveraineté doit être ajoutée : le passage de la souveraineté absolue à la souveraineté partagée (l’exemple de l’Ue), qui a accentué la naissance du constitutionnalisme multilevel, a bien amoindri la marge de manœuvre des autorités nationales.

B. De l’espace constitutionnel et du trans-constitutionnalisme

Le constitutionnalisme classique se fonde sur deux piliers : pouvoir et liberté. Au début du XXIe siècle on assiste à l’apparition d’un troisième pilier : le territoire. Du point de vue matériel, on peut avancer qu’un double processus se complétera au fur et à mesure : d’une part, la constitutionnalisation du territoire et, d’autre part, la territorialisation de la Constitution. Une telle diversification du contenu de la Constitution est corolaire de la décentralisation de l’Etat du point de vue da forme.

Un tel processus est inévitable a fortiori pour les pays de la région du fait qu’ils se trouvent dans le bassin méditerranéen. De ce point de vue, la Convention de Barcelone pourrait être considérée comme standard minimum pour les Constitutions en cours[5]. De toute façon, « une grande majorité des Constitutions traitent de la forme de l’Etat et de son organisation interne en optant massivement pour la décentralisation, parfois pour la régionalisation et, singulièrement pour le fédéralisme[6]».

Dans la région méditerranéenne, les évènements et développements politico-constitutionnels auxquels nous assistons depuis 2011 nous permettent-ils de parler de « constitutionnalisme méditerranéen » ?

Il est trop tôt certainement pour évoquer ce terme. Toutefois, un processus « vers le constitutionnalisme en Méditerranée sous l’optique du trans-constitutionnalisme » est évident. Il s’agit en effet d’une coïncidence constitutionnelle du point de vue temporel et du point de vue spatial : le constitutionnalisme dans l’espace méditerranéen au cours de la décennie 2010.

Il est certain que les Etats méditerranéens, du Machreq au Maghreb, ont déjà dépassé la phase du mimétisme constitutionnel. Cela n’empêche pas que chaque Etat s’inspire de Constitutions contemporaines. Dans ce processus, en utilisant les données du trans-constitutionnalisme, il nous faut davantage réfléchir à des solutions semblables devant des problèmes similaires[7].

La justice constitutionnelle, garante de la normativité constitutionnelle, pourrait être considérée comme pierre angulaire de ce processus. Sa fonction est parfois essentielle en tant qu’arbitre dans les litiges entre les organes fédéraux et les entités territoriales (d’après le choix concernant la forme de l’Etat) ou bien dans les litiges concernant la séparation horizontale des pouvoirs, ou bien encore dans le contrôle du processus démocratique (les élections, les partis politiques). De ce fait, il convient d’attirer l’attention sur la fonction d’équilibre des cours constitutionnelles dans le fonctionnement des institutions politico-constitutionnelles.

Au-delà de cette fonction, les cours constitutionnelles assument également leur rôle de gardiennes suprêmes des droits de l’Homme. En effet, la protection des droits de l’Homme est une source principale de la légitimité démocratique des Cours constitutionnelles.

Pour que la justice constitutionnelle joue ce rôle de gardienne suprême, il faut d’abord accepter le principe de la coexistence constitutionnelle équilibrée de toutes les libertés et des droits civils, politiques, sociaux, culturels, économiques et environnementaux. Ensuite, la composition de la Cour et le statut des juges doivent répondre aux exigences de qualité des juges et de leur indépendance. En troisième lieu, cette instance nationale doit être accessible aux individus se prétendant victimes de violations de leurs droits et libertés par une autorité étatique. Enfin, l’autorité des arrêts rendus par la justice constitutionnelle dans le contentieux des droits de l’Homme doit être assurée.

Sous l’optique de ces remarques préliminaires, il convient de signaler la problématique constitutionnelle des Etats du Mena[8].

C. Sur les choix constitutionnels des Etats du Mena

Dans les Etats arabo-musulmans, l’incertitude règne en ce qui concerne la caractéristique de la norme fondamentale. Il est évident que la Constitution est un texte temporel, mais pas spirituel. De ce fait, la Constitution est un texte laïc, par nature. Pour cette raison, il nous paraît inopportun de poser la question suivante : est-ce que la religion sera abordée sous l’optique des droits de l’Homme ou bien à l’inverse les droits de l’Homme seront conçus sous l’optique de la religion ?

Les destinataires de la Constitution sont les générations futures. Ceci dit, le pouvoir constituant pourrait-il hypothéquer la volonté des générations futures ? Dans quelles mesures en a-t-il la possibilité ?

En bref, devant le dilemme entre les droits de l’Homme, la démocratie et les mécanismes de l’Etat de droit d’une part et, le nationalisme et le fondamentalisme religieux d’autre part, quel choix sera privilégié chez les constituants de tous ces Etats du Machreq au Maghreb ?

Majoritaire ou pluraliste ? Est-ce que la séparation des pouvoirs sera assurée comme structure de l’Etat de droit et le concept de la démocratie pluraliste sera-t-il accepté en considérant que la démocratie majoritaire risque de réduire le régime uniquement à l’accès aux urnes. Finalement, dans la mesure où les droits de l’homme seront considérés comme l’infrastructure normative de la démocratie, il nous serait possible de parler de démocraties constitutionnelles.

II. La Turquie : une république laïque

Nous allons continuer par la présentation de la Turquie puisque celle-ci fut l’objet de débats à la suite du « printemps arabe » du point de vue de la modalité. Autrement dit, si le « modèle turc[9] » pouvait inspirer les Etats arabo-musulmans du point de vue du système politico-constitutionnel, plus concrètement, du point de vue de la compatibilité de l’Islam et de la démocratie. Toutefois, il s’agit d’un décalage temporel non-négligeable : ce qui distingue la Turquie des pays arabo-musulmans, c’est que ceux-ci sont en train d’élaborer leur première Constitution dont l’objectif principal est d’introduire les mécanismes de l’alternance politique, alors qu’en Turquie l’alternance politique a eu lieu le 14 mai 1950.

A partir de la Constitution du 9 juillet 1961, l’Etat a été organisé sur le concept de l’Etat de droit : « La République de Turquie est un Etat de droit, national, démocratique, laïque et social qui s’appuie sur les droits de l’homme (…)» (Article 2).

La Constitution du 7 novembre 1982 qui est toujours en vigueur a maintenu une telle définition, mais d’une façon nuancée du point de vue de la liaison entre les droits de l’homme et l’Etat : La République de Turquie est un Etat de droit démocratique, laïc et social, respectueux des droits de l’homme (…) (Article 2). Les trois premiers articles de la Constitution sont inaltérables d’après l’article 4. Ceci dit, la caractéristique laïque de l’Etat figure dans le bloc constitutionnel non-modifiable. Il n’y a donc aucun doute que la temporalité est la caractéristique indispensable de la Constitution de la République de Turquie[10].

A. La laïcité

La laïcité s’est réalisée au fur et à mesure à partir de 1922. Déjà, la loi organique du 10 janvier 1921 signifiait un changement radical du point de vue de la source et de l’utilisation de la souveraineté : « La souveraineté appartient à la Nation sans réserve et sans conditions. Le régime d’administration repose sur le principe suivant : le peuple décide de son sort directement et de fait ». (Article 1 et 2).

Cependant, la référence à l’Islam a été faite dans la Constitution de 1924 alors que le dualisme des pouvoirs a été supprimé par l’abolition du califat dans la même année. Avec la suppression de la référence à l’Islam comme religion d’Etat dans la Constitution (1928), cette évolution suit son cours. La direction des Affaires religieuses en tant qu’instance administrative créée en 1924 n’avait pas d’autorité spirituelle, ni le droit d’interpréter les lois islamiques. La constitutionnalisation de la laïcité n’a été effectuée qu’en 1937.

La laïcité devient l’une des caractéristiques de la République dans la Constitution de 1961. La Constitution avait introduit une disposition générale afin d’empêcher l’abus de la liberté de religion (Art. 19, dernier alinéa). La conformité au principe de la laïcité figurait aussi parmi les règles à observer par les partis politiques (Art. 57).

Alors que la disposition inaltérable était limitée par la forme républicaine du gouvernement (Article premier), c’est par l’interprétation de la Cour constitutionnelle que la laïcité a figuré parmi les dispositions intangibles à partir de 1970[11]. En fait, la Cour constitutionnelle a intégré, par un arrêt prétorien, les caractéristiques de la République, déterminées par l’article 2, dans les limites matérielles de la révision de la Constitution[12].

Quant à la Constitution de 1982, le principe de laïcité est affirmé dans son Préambule qui précise que « les sentiments de religion, qui sont sacrés, ne peuvent en aucun cas être mêlés aux affaires de l’Etat et à la politique ». Par ailleurs, l’article 2 de la même Constitution définit la République de Turquie comme « un Etat de droit démocratique laïque et social, respectueux des droits de l’homme dans un esprit de paix sociale, de solidarité nationale et de justice, attaché au nationalisme d’Atatürk et s’appuyant sur les principes fondamentaux définis par le préambule ». Cet article forme, avec les articles 1 et 3, un bloc de dispositions intangibles, comme le précise l’article 4 de la Constitution.

Par la suite, la Constitution fait référence à plusieurs reprises :

– « aux principes de la République démocratique et laïque » pour définir le droit de fonder des partis politiques (Art. 68) ;

– à l’attachement « à la République démocratique et laïque » ou « aux principes de la République laïque », respectivement dans les prestations de serment des députés (Art. 81) et du Président de la République (Art. 103) ;

– « au principe de laïcité » pour définir les fonctions de la direction des affaires religieuses (Art. 136) ;

– à la sauvegarde de la « République laïque de Turquie » dans l’article 174 qui énumère et constitutionnalise les grandes lois des réformes laïcisantes.

– Enfin, les limitations dont les droits font l’objet ne peuvent être en contradiction avec les exigences de la République laïque (Art. 13).

B. La religion : la pluralité des croyances et ses limites

En abordant la liberté de religion et la laïcité il convient de donner tout d’abord quelques éléments de base sur la caractéristique de la population du point de vue des croyances du fait qu’il existe un pluralisme religieux en dehors des minorités non musulmanes : « Parmi les aspects les moins connus de la Turquie contemporaine figure la question alévie. On estime que ce groupe syncrétique et hétérodoxe forme entre 10 et 20 % de la population du pays (…)[13] ». Le phénomène de l’alévisme révèle la diversité religieuse de la population de la Turquie. A côté de l’Islam sunnite très largement majoritaire et des minorités non musulmanes (arméniennes, juives et grecques orthodoxes) reconnues par le Traité de Lausanne, se revendique de l’alévisme, une communauté hétérodoxe qui hésite entre religion, mouvement spirituel et courant philosophique.

L’alévisme recouvre un système de croyance et de pratique de plusieurs peuples anatoliens : les Turcs mais aussi les Kurdes, les Bosniaques ou les Albanais. Il associe, à l’origine, un Islam proche du Chiisme (« Alévi » fait référence au Calife « Ali », encore que certains alévis ne se considèrent pas musulmans), des usages paléochrétiens anatoliens, un chamanisme à connotation turcique, des références zoroastriennes et mazdéennes. La spécificité alévie s’illustre de façon multiple : non-observation du jeûne du Ramadan et des prières quotidiennes, organisation de Cem (cérémonie fermée associant hommes et femmes), lieux de culte particuliers (les « Cemevleri »), usage rituel du vin, de la danse et de la musique[14].

Quelles sont les limites ?

i. L’interdiction de l’instrumentalisation de la religion pour les buts politiques

L’article 24 qui concrétise l’étendue et les limites de cette liberté sous ses cinq alinéas concrétise aussi les éléments de la laïcité d’une façon indirecte.

Après avoir rappelé le principe et l’étendue de cette liberté, l’article 24 prévoit une clause dérogatoire en ce qui concerne la pratique : elle est soumise à la disposition générale relative au non-abus des droits et libertés constitutionnels (art. 14).

L’alinéa 3 qui exclut la contrainte pour la liberté de religion conserve un domaine intouchable : « Nul ne peut être astreint (…) à divulguer ses croyances et ses convictions religieuses et nul ne peut être blâmé ni incriminé en raison de ses croyances ou convictions religieuses ».

Néanmoins, « L’enseignement de la culture religieuse et de la morale figure parmi les cours obligatoires dispensés dans les établissements scolaires du primaire et du secondaire ».

Quant au dernier alinéa de l’article 24, il est relatif à l’interdiction de l’abus de la liberté de religion. Cette disposition est conçue également comme donnant une définition de la laïcité. « Nul ne peut, (…) exploiter la religion, (…), ni en abuser dans le but de faire reposer (…) l’ordre social, économique, politique ou juridique de l’Etat sur des préceptes religieux () ».

ii. Cours obligatoires : culture religieuse et morale

Une telle obligation, très controversée, est tout d’abord contraire à l’alinéa précédent et ensuite à la liberté de religion. Ainsi convient-il de signaler que la Cour européenne des Droits de l’Homme a constaté la violation de la Convention européenne des Droits de l’Homme du fait de l’enseignement obligatoire d’un tel cours[15]. La Cour européenne estime que l’enseignement dispensé dans les cours de culture religieuse et connaissance morale en Turquie ne peut être considéré comme répondant aux critères d’objectivité et de pluralisme dans une société démocratique ni être considéré comme visant à ce que les élèves développent un esprit critique à l’égard de la religion.

iii. Mention de la religion

La « mention de la religion dans les registres d’état civil » a été déclarée par la Cour constitutionnelle comme conforme aux articles 2 (laïcité) et 24 (liberté de religion) de la Constitution dans son arrêt du 21 juin 1995, nonobstant l’énoncé même de cette disposition constitutionnelle selon laquelle « nul ne peut être contraint de divulguer ses croyances et ses convictions religieuses[16]».

Les juges constitutionnels considèrent notamment que « L’Etat doit connaître les caractéristiques de ses citoyens. Ce besoin d’information est fondé sur les nécessités de l’ordre public, de l’intérêt général, et sur les impératifs économiques, politiques et sociaux (…). L’Etat laïc doit être neutre à l’égard des religions. Dans ce contexte, le fait de mentionner la religion sur les cartes d’identité ne peut entraîner une inégalité entre les citoyens (…). Toutes les religions ont la même place dans le cadre d’un Etat laïc (…) ».

En bref, pour la Cour constitutionnelle, une telle mention n’enfreint pas l’essence de la liberté de manifester la religion, puisque la mention de la religion sur la carte d’identité ne saurait être interprétée comme une mesure imposant de divulguer ses croyances et ses convictions religieuses et comme une restriction à la liberté de manifester sa religion par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

Quant à la Cour européenne des Droits de l’Homme, contrairement à l’arrêt de la Cour constitutionnelle, elle a constaté la violation de l’article 9 de la Convention. Il convient de noter que cet arrêt est l’un des rares arrêts de la Cour européenne dans lequel on constate une divergence avec l’arrêt de la Cour constitutionnelle sur une question relative à la laïcité[17].

Le renouvellement des cartes d’identité sans la mention de la religion est en cours.

iv. La Turquie condamnée pour le traitement discriminatoire des Alévis

Dans l’affaire Cumhuriyetçi Eğitim Ve Kültür Merkezi Vakfı c. Turquie, la Cour européenne des Droits de l’Homme a jugé, à l’unanimité, que la Turquie avait violé l’article 14 (interdiction de la discrimination) ainsi que l’article 9 (liberté religieuse) de la Convention européenne des Droits de l’Homme pour avoir fait preuve de discrimination envers les Alévis[18].

D’après la Cour, dès lors que les « cemevis » sont, comme les autres lieux de culte, des lieux destinés à l’exercice du culte d’une conviction religieuse, la fondation requérante se trouve dans une situation comparable à celle des autres lieux de culte.

La Cour rappelle que les Etats jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer si, et dans quelle mesure, des différences entre des situations à d’autres égards analogues justifient des traitements distincts. Néanmoins, si un Etat met en place un statut privilégié pour les lieux de culte, tous les groupes religieux qui le souhaitent doivent se voir offrir une possibilité équitable de solliciter le bénéfice de ce statut et les critères établis doivent être appliqués de manière non discriminatoire.

En l’espèce, la Cour observe que le refus opposé à la demande de la fondation requérante d’obtenir une dispense de paiement de ses factures d’électricité était fondé sur une appréciation exprimée par les tribunaux turcs, sur la base d’un avis émis par l’autorité chargée des affaires religieuses (Direction des Affaires religieuses), selon laquelle la confession alévie n’était pas une religion. La Cour considère cependant qu’une telle appréciation ne peut servir à justifier l’exclusion des « cemevis » du bénéfice en question, ceux-ci étant, comme les autres lieux de culte reconnus, des lieux destinés à l’exercice du culte d’une conviction religieuse.

La Cour conclut que la différence de traitement dont la fondation requérante a fait l’objet n’avait pas de justification objective et raisonnable. Elle observe que le régime d’octroi de dispense du paiement des factures d’électricité pour les lieux de culte opérait une discrimination sur la base de la religion[19].

C. L’émergence d’une volonté politique pour islamiser la société

 « La Turquie est l’un des seuls pays du monde musulman qui soit une démocratie. Nous désignons par ce terme la démocratie qui est apparue en Europe occidentale et a été prise pour le modèle par bien des Turcs. Ainsi, la question du rapport entre Islam et démocratie –donc la place de la laïcité- se pose, avec une acuité particulière en Turquie, où elle constitue un problème pratique et non théorique, alors que dans bien d’autres pays musulmans on reste à s’interroger sur les « conditions de possibilité » de la démocratie faute de la voir confrontée à l’épreuve des faits[20] ».

L’Akp[21], parti au pouvoir depuis la fin de 2002, a forcé la Turquie pour que la religion ait sa place dans le droit public. Le système éducatif est utilisé comme un moyen afin de former une « jeunesse respectueuse des valeurs morales et nationales ». Les cours de religion basés sur le sunnisme sont conçus comme « appareil idéologique de l’Etat » dans le processus d’islamisation de la société. L’insistance en ce qui concerne la formation d’une génération croyante a été davantage concrétisée par le système éducatif basé sur une formule qui s’appelle « 4+4+4 » qui, au-delà de porter atteinte aux principes et aux normes constitutionnels concernant la laïcité, ajoute les nouveaux cours de religion dans le programme scolaire afin de vider l’essence des arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme.

En effet, la tentative du coup d’Etat militaire du 15 juillet 2016 ne peut être expliquée que par « l’instrumentalisation de la religion pour des objectifs politiques ». La laïcité et le sécularisme ont été actualisés à la suite du coup d’Etat avorté du 15 juillet 2016 du fait que l’appareil étatique était « confisqué » par les putschistes formés dans une communauté religieuse, une sorte de confrérie[22].

III. L’Egypte : droits de l’Homme sans la démocratie

La première Constitution, adoptée en Egypte en 1882, a été supprimée lors de l’occupation britannique de l’Egypte. Pour cette raison, la Constitution de 1923 est conçue par certains auteurs comme la première Constitution de l’Egypte. Quant à la Constitution de 1971, celle-ci a été considérée comme base pour les « deux » Constitutions de l’Egypte qui ont été adoptées par les référendums de 2012 et 2014.

« La révolution du 25 janvier 2011 marque une deuxième naissance de l’Egypte[23] ». D’après le professeur El assar, « comme la majorité des membres de la commission constituante appartenaient au courant islamiste », la Constitution adoptée par le référendum du 26 décembre 2012 avec 32,9% de participation fut marquée par les idées des frères musulmans et des salafistes[24] : la charia islamique a été adoptée comme source principale de la législation. Les principes de la charia comportent non seulement le coran et la sonna, mais aussi les interprétations adoptées par la doctrine islamique sounniste des textes du coran et de la sonna[25].

En effet, l’article 2 de la Constitution de 1971 disposait que l’Islam était la religion de l’Etat et les principes de la charia islamique étaient conçus comme source principale de la législation[26]. Pour le professeur El assar, l’interprétation pragmatique de la Cour constitutionnelle avait concilié la religion et le modernisme[27]. Par la suite, la Cour développa une jurisprudence libérale faisant de la référence à l’Islam « un sacrifice expiatoire de l’Etat, en raison du non-respect du droit islamique dans sa législation[28] », à tel point que l’éphémère Constitution de 2012 préféra confier à la Grande mosquée Al-Azhar al-Charif le monopole d’interprétation de la Charia[29]. Par contre, la Constitution de 2014 restitue à la Cour cette compétence marquant la volonté du constituant de s’émanciper du pouvoir religieux. L’article 7 de la Constitution reconnaît Al-Azhar al-Charif comme « la référence principale pour ce qui concerne les sciences religieuses et les affaires islamiques », oblige l’Etat à lui assurer les crédits nécessaires et précise que le « Cheikh d’Al-Azhar est indépendant et inamovible ».

« Le nouveau régime égyptien est donc loin d’être une théocratie, la plus haute autorité religieuse du pays n’étant ni asservie au gouvernement, ni en mesure de dicter sa volonté à celui-ci[30] ».

Du point de vue du contenu, la nouvelle Constitution ne diffère pas radicalement de sa version originale : elle s’inscrit dans la même tradition que les textes de 1971 et 2012, mais comporte des avancées considérables. Dans ce document moins islamisant, l’article 2 posant la charia comme « la principale source du droit » a été conservé. En revanche, l’article 219, qui définissait les principes de la loi islamique, introduit en 2012, a été supprimé. Elle proscrit les partis politiques fondés sur une « base religieuse[31] ».

Du point de vue des libertés, la Constitution de 2014 consacre toutes les catégories de droits et libertés publics, élargit leur domaine, et impose à l’Etat des obligations positives en vue de garantir aux particuliers l’exercice effectif de leurs droits et libertés. Aucune autorisation administrative préalable n’est exigée pour l’exercice des libertés. Le principe de liberté de croyance est posé comme un principe absolu. L’égalité entre les hommes et les femmes est réaffirmée là où, dans la Constitution précédente, il n’était question que de non-discrimination entre les sexes. Pour la première fois, la Constitution fait référence aux conventions internationales en matière de droits de l’homme.

La nouvelle Constitution égyptienne qui reconnaît les droits de l’homme sans la démocratie[32] est à l’épreuve de la pratique.

IV. Le Maghreb : Algérie / Maroc / Tunisie

Parmi les trois pays du Maghreb, la Tunisie va être abordée après avoir signalé les nouvelles Constitutions du Maroc et de l’Algérie. L’Algérie a révisé en mars 2016 sa Constitution alors que le Maroc en juillet 2011 et la Tunisie en janvier 2014 ont renouvelé leur Constitution.

A. Algérie

« L’Algérie est une République démocratique et populaire. Elle est une et indivisible » (Article 1er).

« L’Islam est la religion de l’Etat[33] » (Art. 2).

La révision constitutionnelle réalisée récemment[34] ne modifie pas les deux premiers articles.

D’après l’article 7, « Le peuple est la source de tout pouvoir ».

B. Maroc

Le Maroc est une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale. L’Islam est la religion de l’Etat, qui garantit à tous le libre exercice des cultes[35].

C. Tunisie

Quant à la Tunisie, « La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain, l’Islam est sa religion. (…) La Tunisie est un Etat civil, basé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit[36]» (Article 1 et 2 de la Constitution de la République Tunisienne du 27 janvier 2014).

Professeur Ferhat Horchani signale que l’Assemblée Nationale Constituante (Anc) a repris tel quel l’article 1er de l’ancienne Constitution de 1959 qui dispose que la « Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain, l’Islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime ». A cette ancienne version de 1959, celle de 2014 a ajouté qu’« Il n’est pas permis d’amender cet article». Ceci montre que malgré « la légitimité révolutionnaire » et la rupture opérée par la suspension de l’ancienne Constitution, c’est l’idée de continuité avec 1959 qui a prévalu dans les choix fondamentaux relatifs à l’identité, à la source du droit et à la place de la religion dans la Constitution, même si ces choix entretiennent une ambigüité qui a alimenté de longues controverses doctrinales et jurisprudentielles. L’article 1 n’indique pas en effet clairement si la mention « l’Islam est sa religion » revient à « l’Etat » ou à « la Tunisie ». Nous pensons toutefois que les choix opérés par la nouvelle Constitution ont apporté un éclairage nouveau dans ce débat ancien : d’abord lors des débats du dernier projet de la Constitution, un article (l’ancien article 141) a été supprimé suite aux pressions exercées par la société civile. Cet article disposait qu’« Aucune révision constitutionnelle ne peut porter atteinte à l’islam comme religion d’Etat (…) ». Cette suppression aura des effets juridiques, elle indique qu’il n’est plus permis actuellement d’avoir deux lectures de l’article 1er, mais une seule : celle où l’Islam n’est pas la religion de l’Etat mais « la religion de la Tunisie », c’est-à-dire de la majorité des Tunisiens. L’Islam ne pourra donc plus être une source du droit de l’Etat. En réalité, cette interprétation a été corroborée bien avant lors des premières discussions sur les projets de Constitution qui ont abouti à écarter la « shariâa » comme source du droit dans la Constitution.

De plus, à cet article 1er, a été ajouté dans la nouvelle Constitution, un article 2 qui renforce encore cette interprétation et qui dispose que « la Tunisie est un Etat civil, basé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit. Il n’est pas permis d’amender cet article ». Par conséquent, l’Etat a une nature civile (c’est-à-dire non militaire et non religieuse) et donc seul le peuple représenté par le pouvoir législatif est source de la souveraineté et donc du droit conformément à l’article 3 de la Constitution. Selon cet article 3, « Le peuple est le détenteur de la souveraineté et il est source de tous les pouvoirs qu’il exerce à travers ses représentants élus ou par referendum ».

L’affirmation du « caractère civil de l’Etat fondé sur la citoyenneté » est une affirmation capitale car elle fait prévaloir la citoyenneté sur toute autre appartenance[37].

En attendant la mise en pratique des Constitutions des Etats du Mena et la stabilisation de leur régime politique, on va se contenter de faire quelques remarques provisoires :

Le constitutionnalisme est un phénomène temporel. De ce fait, il faut encore une fois souligner le caractère temporel des Constitutions qui est aussi valable pour les Etats arabo-musulmans. Une Constitution qui prévoit les garanties des droits de l’homme assure également les garanties de la liberté de religion. De ce fait, la liberté de religion doit être interprétée sous l’optique des droits de l’homme en évitant une interprétation inverse. La création ou la consolidation des Cour constitutionnelles comme dénominateur commun des Etats arabo-musulmans peut-être conçue comme outil du trans-constitutionnalisme. Du point de vue de l’espace, les acquis du bassin méditerranéen ne doivent pas être sous-estimés : la Convention de Barcelone. Cette convention peut jouer un rôle de levier dans un double processus : la territorialisation de la Constitution d’une part et, la constitutionnalisation du territoire, de l’autre. Le régime parlementaire comme modèle commun[38] des Etats euro-méditerranéens paraît davantage susceptible d’établir la démocratie pluraliste. L’appartenance aux conventions internationales et régionales relatives aux droits de l’homme pourrait aussi consolider le caractère universel des droits et libertés reconnus par les Constitutions arabo-musulmanes[39]. Pour l’instant, il convient de mettre le point final par la citation suivante : « Les Constitutions postrévolutionnaires, dans le monde arabe, tendent indéniablement vers la modernisation. Elles traduisent la volonté de renforcer les droits fondamentaux tout en allant vers un meilleur équilibre des pouvoirs… Des limites persistent nécessitant de futures réformes et la pratique du pouvoir va aussi contribuer à définir des caractéristiques de ces nouveaux régimes politiques[40]».

En espérant et souhaitant que le dilemme pour les Etats arabo-musulmans entre la spiritualité et la temporalité évolue vers la deuxième, quant à la Turquie, à l’inverse, il faut souhaiter qu’elle maintienne ses acquis sur le caractère temporel de la Constitution. A ce propos, nous nous contentons d’attirer l’attention sur l’importance d’un combat multidimensionnel autant sur le plan des idées que dans la pratique pour sauvegarder les acquis d’une République démocratique et laïque fondée sur les droits de l’homme. Dans ce processus, les mouvements sociaux basés sur le concept de l’opposition démocratique et les voies juridiques, tant au niveau national que sur le plan européen, peuvent être signalés comme les dynamiques à promouvoir[41].


[1] Mena : Middle East and North Africa.

[2] Kaboğlu İbrahim Ö., « Vers le constitutionnalisme en Méditerranée ? », La rencontre des droits en Méditerranée/ L’acculturation en question, sous la direction de Perrot X., Péricard J., Pulim, 2014, p. 94.

[3] A cette occasion, il convient de rappeler l’article 16 de la Déclaration française des droits du citoyen et de l’Homme : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de Constitution », Zoller E., Droit constitutionnel, Paris, Puf, 1998, p. 32.

[4] Il est évident que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (Dudh) qui a déjà acquis le caractère de jus cogens n’est plus une simple déclaration.

[5] La Convention pour la protection de la Mer Méditerranée contre la pollution a été adoptée à Barcelone le 16 février 1976 et modifiée le 10 juin 1995. Au fil du temps, son mandat s’est élargi pour inclure la planification et la gestion intégrée de la zone côtière. Les 22 Parties contractantes à la Convention prennent, individuellement ou conjointement, toutes les mesures nécessaires pour protéger et améliorer le milieu marin dans la zone de la Mer Méditerranée en vue de contribuer à son développement durable.

[6] Meyer M., « Constitutionnalisations & collectivités territoriales en Méditerranée », Revue Méditerranéenne de Droit Public, vol. III, p. 191 et s.

[7] Pour le terme et ses définitions, V. Soma A., « Modélisation d’un système de justice constitutionnelle pour une meilleure protection des droits de l’homme : trans-constitutionnalisme et droit constitutionnel comparé », Rtdh n°78, 2009), p. 638.

[8] A propos des éléments comparatifs entre l’Europe du sud et l’Afrique du nord, V. Kaboğlu İ. Ö., « Vers le constitutionnalisme en Méditerranée ? » in Perrot X., Péricard J. (dir.), La rencontre des droits en Méditerranée. L’acculturation en question, Pulim, 2014, p. 77 et s.

[9] Marcou J., « Le « modèle turc » controversé de l’Akp », Moyen-Orient 13, Janvier-Mars 2012, p. 38 et s.

[10] Pour le détail sur les développements constitutionnels en Turquie, v., Kaboğlu İ. Ö et Sales E., Le Droit constitutionnel en Turquie (Entre coup d’Etat et démocratie), L’Harmattan, Avril 2015.

[11] AYM, E.1970/1, K.1970/31, k.t.:16.06.1970, AYMKD, sy.8.

[12] Le deuxième arrêt de la Cour constitutionnelle sur la dissolution des partis politiques est relatif à un parti pro-islamiste pour ses actes anti-laïques : Milli Nizam Partisi (Parti de l’Ordre national), AYM, E.1970/3, K.1971/1.

[13] « Alévisme » in Les mots de la Turquie sous la direction de Burdy J.-P., Pum, 2006, p. 10.

[14] Ibid., p. 10 et s.

[15]Cedh, Hasan et Eylem Zengin c. Turquie, (arrêt final : 09/01/2008) ; Cedh, Mansur Yalçın et autres c. Turquie, (arrêt définitif : 16.02.2015).

[16] AYM, E.1995/17, K.1995/16, ta.21.06.1995, R.G. : 24.10.1995.

[17] Cedh, Affaire Sinan Işık c. Turquie, 2 février 2010.

[18] Cedh, Affaire Cumhuriyetçi Eğitim ve Kültür Merkezi Vakfı c. Turquie, 3 décembre 2014.

[19] L’Affaire est devenue définitive le 20.04.2015 par l’arrêt de la Grande Chambre. Pour un deuxième arrêt de la Grande Chambre V., Izzettin doğan ve diğerleri / türkiye (Başvuru no. 62649/10) Karar Strazburg 26 Nisan 2016.

[20] Vinot F., « Armée, Laïcité et Démocratie en Turquie », Cemoti (…), no.27/1999, p. 71.

[21] Adalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la justice et du développement).

[22] « Fethullah Gülen Cemaati, communauté du prédicateur F. Gülen, considéré comme leader de l’Organisation terroriste de Fetö, a été également appelée l’Etat parallèle » ou « la structure parallèle de l’Etat ». Les disciples et sympathisants de cette confrérie avaient été tolérés par les autorités politiques depuis quelques décennies. Ils ont « réussi » au fur et à mesure à pénétrer dans l’appareil étatique (surtout l’éducation, la justice, les forces de l’ordre et l’armée). Ils ont finalement commencé à gouverner le pays sous la majorité de l’Akp (Parti de la justice et de développement). L’alliance gouvernementale d’une décennie a pris fin à la suite d’une opération policière contre le gouvernement qui a eu lieu les 17 et 25 décembre 2013. A partir de ce coup gouvernemental, la Communauté de Gülen a été déclarée comme « Etat parallèle ».

[23] El assar, « Les évolutions constitutionnelles en Egypte depuis la révolution du 25 janvier 2011 », Anayasa Hukuku Dergisi/Journal of Constitutional Law/Revue de droit constitutionnel, 2012-2, p. 153.

[24] Ibid., p. 152.

[25] Ibid., p. 152.

[26] Toutefois, du point de vue du concept de souveraineté, l’absence de référence religieuse aurait affirmé « la volonté des constituants de distinction par rapport au type d’Etat théocratique » in Blouet A., « La Constitution égyptienne de 2012 : juxtaposition problématique de la sphère religieuse dans la définition de la loi et de principes démocratiques », Revue Méditerranéenne de Droit Public, V. III, p. 109.

« La souveraineté appartient au peuple. Il l’exerce et protège. Il préserve son unité nationale. Il est la source des pouvoirs » (Art. 5).

[27] En 1993, la Cour distingua les principes absolus des règles relatives de la Chari’a : « seuls les principes « dont l’origine et la signification sont absolues », c’est-à-dire les principes qui représentent des normes islamiques non contestables, que ce soit dans leur source (Coran, Sunna, consensus, analogie) ou dans leur signification, doivent être obligatoirement appliqués, sans marge d’interprétation possible, mais les règles relatives « sont évolutives dans le temps et dans l’espace, sont susceptibles de divergences d’interprétation et peuvent s’adapter aux besoins changeants de la société » » in Dupret B., La charia, Paris, La Découverte, 2014, p. 150, cité par Guilot in « La dialectique de l’Islam et du libéralisme dans les Constitutions de l’après « Printemps Arabe »: Egypte & Tunisie à la confluence de deux courants universalistes », Revue Méditerranéenne de Droit Public, V. III, 2015, p. 127 et s.

[28] Johansen B., « The relationship Between the Constitution, the Shari’a and the Fiqh », cité par Guilot, op.cit., p. 129.

[29] Cette obligation incombait au Parlement, au Gouvernement et aux tribunaux, notamment à la Cour constitutionnelle. L’article 5 permettait de constituer les partis politiques sur la base religieuse. L’article qui avait suscité le plus de polémique était l’article 219 d’après lequel les thèses de la doctrine islamique faisaient partie des principes de la charia qui sont la source principale de la législation : « Le danger de cette disposition réside dans le fait que les avis des savants religieux et leur interprétation des textes du coran et des paroles du prophète sont très variés et très différents entre eux » in Gamaleddine S., « La charia islamique et ses principes dans la Constitutions de 2012 », Revue Aldostoria, n .24, oct. 2013, cité par El Assar, « L’Evolution politique (…) », op.cit., p. 9).

[30] Guilot, « La dialectique (…) », op.cit., p. 128.

[31] Kaboğlu, « Vers le constitutionnalisme en Méditerranée ? », op.cit., p. 89.

[32] Du fait qu’elle a été élaborée à la suite du coup d’Etat militaire, « les droits de l’homme sans la démocratie » ont été utilisés dans le sens large et plutôt politique.

[33] Articles 1 et 2, Constitution de la République Algérienne du 8/12/1996.

[34] Journal officiel de la République Algérienne démocratique et populaire (7 mars 2016 ; Lundi 27 Joumada El Oula 1437).

[35] Articles 1 et 3, Constitution du 29 juillet 2011. Sur les développements constitutionnels au Maroc, V. : La nouvelle Constitution marocaine à l’épreuve de la pratique, coordonné par Bendourou O., El Mossadeq R., Madani M., éd. La croisée des chemins, Casablanca, 2014.

[36] « Ainsi, les différents projets de constitution (cinq avant -projets) ont été discutés et améliorés pendant de longs mois suite essentiellement au rôle décisif joué par la société civile dont les très fortes pressions ont été relayées par la société politique. Un nombre impressionnant d’activités (séminaires, colloques, tables ronde, rapports d’experts nationaux et étrangers ou internationaux, médias, manifestations gigantesques de rue durant tout l’été 2012) ont mis le doigt, pour chacun des projets sur les faiblesses, les failles, les reculs et les dangers que recèlent ces avants projets. Le rôle de l’Association tunisienne de droit constitutionnelle a été des plus importants à cet égard » (Horchani F., « La nouvelle constitution tunisienne du 27 janvier 2014 : Forces et faiblesses », Anayasa Hukuku Dergisi/ Journal of Constitutional Law/Revue de droit constitutionnel, n. 6, 2014, p. 28 et s). Pour le détail V. Abbiate T., « La nouvelle Constitution Tunisienne : Résultat d’un processus constituant participatif ? », Revue Méditerranéenne de Droit Public, V. III, p. 89 et s.

[37] Du point de vue des droits de l’homme, la disposition suivante qui reflète le principe de non-régression mérite d’être signalée : « Il n’est pas possible qu’un amendement touche les acquis en matière de droits de l’Homme et des libertés garanties dans cette Constitution » (Art. 49/dernier alinéa).

[38] Touzeil-Divina M., « Rêver un impossible rêve : à propos du régime parlementaire projeté en Méditerranée », Revue méditerranéenne de Droit public, V. III, p. 31 et s.

[39] « Si les Constitutions tunisiennes et marocaines toute comme celles française, espagnole et italienne entrent en adéquation avec le système universel, c’est sans doute compte tenu de la volonté de constituer à terme un ensemble géographique méditerranéen » in Segno Manto N., « L’influence de la religion islamique remet-elle en cause l’universalité des droits de l’homme dans les constitutions méditerranéennes ? », Revue Méditerranéenne de Droit Public, Vol. III, p. 119.

[40] Boumediene M., « Révolution arabes et renouveau constitutionnel ; une démocratisation inachevée » in La nouvelle Constitution marocaine à l’épreuve de la pratique, p. 122.

[41] « La première condition de réussite de l’épreuve de droit et de démocratie de la Turquie à l’égard de la société internationale nécessitent que les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire assurent le consensus sur le respect de la Constitution et de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ainsi que des principes généraux du droit » (L’article 15 de Déclaration rédigée par l’initiative « La démocratie d’abord » à la suite du coup d’Etat militaire avorté, Istanbul, le 20 juillet 2016).

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